ll y a 70 ans, les GI’s de l’armée américaine libéraient Domfront qui paya par ses victimes et ses ruines une part importante du sacrifice imposé à la Normandie pour bousculer une longue occupation de quatre ans. Pour commémorer cet anniversaire, l’étude qui suit se propose d’exposer les événements qui frappèrent en plein cœur la cité médiévale. La première partie retrace l’histoire de la libération de la ville et dresse une liste complète des victimes civiles, tandis que la seconde partie analyse les bombardements des mois de mai et juin 1944. S’appuyant sur les témoignages de ceux qui vécurent ces événements et présentant des photographies pour la plupart inédites, de même que des documents d’archives militaires américains dont certains, récemment déclassifiés, permettent d’apporter un éclairage nouveau sur ces terribles journées, cette étude entreprend ainsi de réexaminer un des grands pans de l’histoire de Domfront afin d’en affiner la compréhension et d’en préserver le souvenir.
- Première partie -
Une inoubliable page d’histoire
D’un point de vue militaire, l’utilisation des bombardiers pour détruire les voies de communication et le réseau ferroviaire français a été déterminante car elle empêcha ou retarda l’acheminement sur le champ de bataille de Normandie d’unités de renfort allemandes. Sans ces bombardements, les forces allemandes auraient pu circuler plus librement et arriver sur le théâtre d’opérations en bien meilleur état, ce qui aurait probablement rendu la bataille de Normandie beaucoup plus longue et plus coûteuse.
Pour les stratèges alliés, Domfront ne pouvait pas échapper au pilonnage des bombardiers. Carrefour important pour le mouvement des troupes ennemies et de son matériel, la ville se situe au croisement de deux axes majeurs de circulation : un axe nord-sud reliant Caen à Laval, et un autre est-ouest reliant Paris à la Bretagne via Alençon. Aujourd’hui abandonnée, la ligne ferroviaire de la ville desservait quant à elle les gares d’Alençon, de Caen, de Laval et d’Angers. Pour la bonne marche des opérations, il était donc impératif de détruire ce nœud routier et ce centre ferroviaire.
C’est ainsi qu’à partir du 28 mai 1944 et tout au long du mois de juin, les chasseurs-bombardiers Republic P-47 Thunderbolt, les bombardiers légers Douglas A-20 Havoc et les bombardiers moyens Martin B-26 Marauder appartenant à la 9th Air Force américaine commandée par le Lieutenant General Lewis Hyde Brereton furent lancés sur Domfront, pulvérisant la gare et le quartier l’avoisinant, tout comme celui du centre-ville, semant la mort et la désolation parmi la population civile. 37 hommes, femmes et enfants furent tués, dont 27 lors du seul bombardement du mercredi 14 juin 1944, le plus meurtrier d’entre tous. Il y eut ainsi beaucoup de peine et de souffrance, mais, si déplorables que soient ces pertes en vies humaines, ce fut malheureusement le prix à payer pour la liberté, et les habitants, qui pourtant vécurent des situations souvent dramatiques, furent reconnaissants aux Alliés.
Pour les stratèges alliés, Domfront ne pouvait pas échapper au pilonnage des bombardiers. Carrefour important pour le mouvement des troupes ennemies et de son matériel, la ville se situe au croisement de deux axes majeurs de circulation : un axe nord-sud reliant Caen à Laval, et un autre est-ouest reliant Paris à la Bretagne via Alençon. Aujourd’hui abandonnée, la ligne ferroviaire de la ville desservait quant à elle les gares d’Alençon, de Caen, de Laval et d’Angers. Pour la bonne marche des opérations, il était donc impératif de détruire ce nœud routier et ce centre ferroviaire.
C’est ainsi qu’à partir du 28 mai 1944 et tout au long du mois de juin, les chasseurs-bombardiers Republic P-47 Thunderbolt, les bombardiers légers Douglas A-20 Havoc et les bombardiers moyens Martin B-26 Marauder appartenant à la 9th Air Force américaine commandée par le Lieutenant General Lewis Hyde Brereton furent lancés sur Domfront, pulvérisant la gare et le quartier l’avoisinant, tout comme celui du centre-ville, semant la mort et la désolation parmi la population civile. 37 hommes, femmes et enfants furent tués, dont 27 lors du seul bombardement du mercredi 14 juin 1944, le plus meurtrier d’entre tous. Il y eut ainsi beaucoup de peine et de souffrance, mais, si déplorables que soient ces pertes en vies humaines, ce fut malheureusement le prix à payer pour la liberté, et les habitants, qui pourtant vécurent des situations souvent dramatiques, furent reconnaissants aux Alliés.
Les photographies inédites suivantes, prises par des habitants de Domfront au mois de juin 1944 alors que les ruines de la cité n’ont pas encore été déblayées, nous rappellent l’inoubliable tragédie que fut cet été-là, le plus long qu’ait connu la Normandie.
Réalisées juste après la libération de la ville par les militaires américains, les vues aériennes ci-dessous témoignent également de la violence et de l’ampleur des destructions occasionnées par les bombardements de l’aviation alliée.
En hommage aux victimes civiles de ces raids aériens, nous publions ici la liste des 37 personnes tombées au cours des bombardements subis par la ville de Domfront en précisant leur identité ainsi que la date et, dans la mesure du possible, le lieu et les circonstances de leur mort. Nous ne les oublierons jamais.
Le 11 août 1944, la contre-offensive allemande lancée le 7 août depuis Mortain en direction d’Avranches pour couper la Third Army du Lieutenant General George S. Patton de ses arrières – « l’opération Lüttisch » – fut abandonnée et la 7. Armee du SS-Oberstgruppenführer und Generaloberst der Waffen-SS Paul Hausser commença à se replier en direction de l’est dans la nuit. Le 12 août au matin, Alençon fut libérée par la 2ème Division Blindée française du Général Philippe Leclerc de Hauteclocque.
Le même jour, dans la soirée, les unités américaines suivantes reçurent l’ordre de s’emparer de Domfront le lendemain : les véhicules blindés de reconnaissance du 82nd Armored Reconnaissance Battalion (appartenant à la 2nd Armored Division « Hell on Wheels ») ; ceux du 125th Cavalry Reconnaissance Squadron (Mechanized) (relevant momentanément de la 30th Infantry Division « Old Hickory ») ; les chars M4 Sherman de la D Company du 67th Armored Regiment (2nd Arm. Div.) ; l’infanterie d’assaut de la E Company du 41st Armored Infantry Regiment (2nd Arm. Div.) ; les obusiers automoteurs de 105mm des HMC M7 du 65th Armored Field Artillery Battalion (rattaché temporairement à la 2nd Arm. Div.).
Lancée à 16 heures le 13 août du village de Rouellé en direction de celui du Pont-d’Égrenne (respectivement à 5 km à l’ouest de Domfront et à 4 km au sud) de manière à se rabattre ensuite sur la ville en faisant face aux hauteurs sur lesquelles elle fut bâtie, mais ralentie par les champs de mines et les lance-roquettes ennemis, l’offensive fut suspendue le soir venu et ne reprit qu’aux premières lueurs du jour le 14 août.
Sur les deux cartes américaines au 1/500.000e ci-dessous établies par l’« Engineer Section » de l’état-major du 12th Army Group – le service chargé d’élaborer chaque jour à midi les cartes faisant état de la situation des combats pour le compte du groupe d’armée du Lieutenant General Omar N. Bradley – et couvrant la période des 13 et 14 août 1944, on constate le retrait du secteur de Domfront des 17. SS-Panzer-Division « Götz von Berlichingen », 10. SS-Panzer-Division « Frundsberg », 1. SS-Panzer-Division « Leibstandarte Adolf Hitler » et 2. Panzer-Division, sous la pression conjuguée de la Hell on Wheels (« L’enfer sur roues », en fr.) du Major General Edward H. Brooks et de la Old Hickory (« Vieux noyer ») du Major General Leland S. Hobbs.
Le même jour, dans la soirée, les unités américaines suivantes reçurent l’ordre de s’emparer de Domfront le lendemain : les véhicules blindés de reconnaissance du 82nd Armored Reconnaissance Battalion (appartenant à la 2nd Armored Division « Hell on Wheels ») ; ceux du 125th Cavalry Reconnaissance Squadron (Mechanized) (relevant momentanément de la 30th Infantry Division « Old Hickory ») ; les chars M4 Sherman de la D Company du 67th Armored Regiment (2nd Arm. Div.) ; l’infanterie d’assaut de la E Company du 41st Armored Infantry Regiment (2nd Arm. Div.) ; les obusiers automoteurs de 105mm des HMC M7 du 65th Armored Field Artillery Battalion (rattaché temporairement à la 2nd Arm. Div.).
Lancée à 16 heures le 13 août du village de Rouellé en direction de celui du Pont-d’Égrenne (respectivement à 5 km à l’ouest de Domfront et à 4 km au sud) de manière à se rabattre ensuite sur la ville en faisant face aux hauteurs sur lesquelles elle fut bâtie, mais ralentie par les champs de mines et les lance-roquettes ennemis, l’offensive fut suspendue le soir venu et ne reprit qu’aux premières lueurs du jour le 14 août.
Sur les deux cartes américaines au 1/500.000e ci-dessous établies par l’« Engineer Section » de l’état-major du 12th Army Group – le service chargé d’élaborer chaque jour à midi les cartes faisant état de la situation des combats pour le compte du groupe d’armée du Lieutenant General Omar N. Bradley – et couvrant la période des 13 et 14 août 1944, on constate le retrait du secteur de Domfront des 17. SS-Panzer-Division « Götz von Berlichingen », 10. SS-Panzer-Division « Frundsberg », 1. SS-Panzer-Division « Leibstandarte Adolf Hitler » et 2. Panzer-Division, sous la pression conjuguée de la Hell on Wheels (« L’enfer sur roues », en fr.) du Major General Edward H. Brooks et de la Old Hickory (« Vieux noyer ») du Major General Leland S. Hobbs.
Manifestement toutefois, lorsqu’elle établit à midi la carte faisant état de la situation des combats le 14 août, l’« Engineer Section » de l’état-major du 12th Army Group évalua mal la situation : a) en localisant la 10. SS-Panzer-Division « Frundsberg » à Domfront, alors qu’elle se situait en réalité au nord-ouest de Saint-Bômer-les-Forges ; b) en ignorant la présence à Domfront et dans la forêt d’Andaine d’éléments de la 708. Infanterie-Division allemande (placée de manière inexacte dans le secteur de Rânes).
C’est ce qu’atteste la carte d’état-major établie le 14 août par la « Section Opérations » de l’Armée de terre allemande que nous publions en complément.
Si cette dernière indique bien la présence au nord de Domfront de la 10. SS-Pz-Div. « Frundsberg », accompagnée par une « Kampfgruppe » de la 275. I.D., et la présence de la 708. I.D. dans la forêt d’Andaine, elle ne détaille cependant pas encore suffisamment la situation en indiquant que les deux bataillons présents dans Domfront – matérialisés par deux flèches rétrocédant à partir du 13 août au soir devant la poussée américaine – correspondaient à un bataillon du Grenadier-Regiment 728, qui s’établit dans les bois du Tertre Saint-Anne (situé au nord-ouest de la ville, sur un éperon rocheux faisant face au vieux château et dominant du haut de ses 50 mètres la voie de chemin de fer et la rivière de la Varenne), et au Pionier-Bataillon 708, qui s’installa dans Saint-Front (situé au sud-est de la ville et dont la paroisse fut réunie à celle de Domfront en 1863 pour ne plus former qu’une seule et unique commune). Ces deux éléments de la 708. I.D. se trouvaient ainsi séparés du gros de la division, positionné dans la forêt d’Andaine (au sud-est de Champsecret) avec les restes de la 5. Fallschirmjäger-Division et la Panzeraufklärungs-Abteilung 9 de la 9. Panzer-Division.
C’est ce qu’atteste la carte d’état-major établie le 14 août par la « Section Opérations » de l’Armée de terre allemande que nous publions en complément.
Si cette dernière indique bien la présence au nord de Domfront de la 10. SS-Pz-Div. « Frundsberg », accompagnée par une « Kampfgruppe » de la 275. I.D., et la présence de la 708. I.D. dans la forêt d’Andaine, elle ne détaille cependant pas encore suffisamment la situation en indiquant que les deux bataillons présents dans Domfront – matérialisés par deux flèches rétrocédant à partir du 13 août au soir devant la poussée américaine – correspondaient à un bataillon du Grenadier-Regiment 728, qui s’établit dans les bois du Tertre Saint-Anne (situé au nord-ouest de la ville, sur un éperon rocheux faisant face au vieux château et dominant du haut de ses 50 mètres la voie de chemin de fer et la rivière de la Varenne), et au Pionier-Bataillon 708, qui s’installa dans Saint-Front (situé au sud-est de la ville et dont la paroisse fut réunie à celle de Domfront en 1863 pour ne plus former qu’une seule et unique commune). Ces deux éléments de la 708. I.D. se trouvaient ainsi séparés du gros de la division, positionné dans la forêt d’Andaine (au sud-est de Champsecret) avec les restes de la 5. Fallschirmjäger-Division et la Panzeraufklärungs-Abteilung 9 de la 9. Panzer-Division.
Grâce à l’initiative courageuse de quelques Domfrontais qui parvinrent au péril de leur vie à rejoindre les lignes alliées le 14 août vers 14 heures et à fournir des renseignements très utiles au commandement américain, les états-majors des deux bataillons allemands furent encerclés vers 15 heures et faits prisonniers sans difficulté. Quelques instants plus tard, au terme d’un bref engagement dans le Tertre Saint-Anne, une compagnie entière de soldats du Grenadier-Regiment 728 se rendit également (les autres parvenant à s’enfuir), tandis que les hommes du Pionier-Bataillon 708 capitulèrent sur ordre de leur commandant après avoir opposé une légère résistance.
Vers 16 heures, Domfront fut ainsi définitivement libéré du joug qui avait si lourdement pesé sur ses habitants. Le soir même, le 120th Infantry Regiment (30th Inf. Div.) releva les unités de la 2nd Arm. Div. et établit son quartier général dans la ville (jusqu’au 19 août), suivi le lendemain par l’état-major du 117th Inf. Rgt. (30th Inf. Div.) et par celui de la Old Hickory elle-même (le premier ne s’y installant que la journée du 15 août, tandis que le second y demeura du 15 au 19).
Vers 16 heures, Domfront fut ainsi définitivement libéré du joug qui avait si lourdement pesé sur ses habitants. Le soir même, le 120th Infantry Regiment (30th Inf. Div.) releva les unités de la 2nd Arm. Div. et établit son quartier général dans la ville (jusqu’au 19 août), suivi le lendemain par l’état-major du 117th Inf. Rgt. (30th Inf. Div.) et par celui de la Old Hickory elle-même (le premier ne s’y installant que la journée du 15 août, tandis que le second y demeura du 15 au 19).
Bien que l’Organisation Todt – le groupe de génie civil et militaire de l’Allemagne nazie employant essentiellement des ouvriers étrangers et notamment ceux, français, soumis au travail forcé dans le cadre du S.T.O. – ait rapidement entrepris un dégagement sommaire des principaux axes routiers de la cité médiévale, permettant ainsi de rétablir un trafic normal vers le 20 juillet 1944, les officiers du Génie américain commencèrent dès le 15 août à organiser un déblaiement plus complet afin de faciliter la circulation de la 2nd Arm. Div. qui s’achemina vers Sées le 18 août, après avoir été mise au repos dans le secteur de Barenton les 16 et 17 août, et celle de la 30th Inf. Div. qui rejoignit Brezolles (au sud-est de Verneuil-sur-Avre) le 19 août, après s’être confrontée dès le milieu de l’après-midi du 14 sur les collines aux abords nord de Domfront (dans le secteur des fermes de la Bouhardière et de la Bigotière) à un groupe de combat allemand constitué autour des huit blindés encore opérationnels du SS-Panzer-Regiment 10 « Langemark », des obusiers du II./SS-Panzer-Artillerie-Regiment 10 (deux unités appartenant à la 10. SS-Panzer-Division « Frundsberg ») et de soldats de la 17. SS-Panzer-Grenadier-Division « Götz von Berlichingen », puis s’être emparée de Saint-Bômer-les-Forges le lendemain (la B Company du 1st Battalion du 120th Inf. Rgt. libérant le village le 15 août à 8 heures).
De nombreuses commémorations, publications et émissions de radio ou de télévision viennent de célébrer avec éclat le Débarquement et la Bataille de Normandie. Ces célébrations sont indispensables pour éviter l’effacement de la mémoire. Mais s’il nous faut maintenir vivant le souvenir, nous devons veiller à ce que rien ne nous détourne du présent et de l’avenir. À quoi bon la répétition du « il ne faut pas oublier » si celle-ci n’a aucune incidence sur les barbaries qui se produisent aujourd’hui ? Si le passé doit être présent dans la mémoire, c’est pour en tirer des leçons et agir sur le présent. Ceux qui connaissent l’horreur du passé ont le devoir d’élever leur voix contre les horreurs qui se déroulent dans le monde actuellement. Si cette étude commémorant le 70e anniversaire de la libération de Domfront peut contribuer à la lutte contre les idéologies totalitaires, elle aura alors atteint son but : mettre le passé au service du présent pour combattre les barbaries d’aujourd’hui.
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- Seconde partie -
Les bombardements
de mai et juin 1944
Analyse et témoignages
Sur les opérations alliées qui se déroulèrent durant les mois de mai et juin 1944 dans le ciel de Domfront, le Journal inédit de Sœur Jeanne [1], le récit de Gabriel Hubert, André Paillette et André Thimothée [2], ainsi que les mémoires de Germaine Renard [3] et d’André Rougeyron [4] nous offrent de précieuses informations. Mais ces monographies locales ne proposent qu’un aperçu des questions militaires et sont imprécises ou tout simplement inexactes lorsqu’il s’agit de l’identification des unités mobilisées et des moyens matériels engagés par les Alliés. Ce sont ces lacunes que cette étude vise à combler en présentant une analyse de chacun des principaux bombardements dont Domfront fut la cible au cours des mois de mai et juin 1944, bombardements qui marquèrent à jamais l’histoire de la cité médiévale. Cette analyse fut lente et difficile et suppose de la part du lecteur de la patience et du temps, ce qui devient rare au sein d’un âge de hâte qui veut tout de suite en avoir fini avec tout. Si elle découragera tous les genres d’ « hommes pressés », gageons qu’elle saura susciter l’intérêt des vrais passionnés et qu’elle leur donnera autant de plaisir à la lire que nous en avons eu à l’écrire.
C’est le dimanche de Pentecôte 1944, dans le cadre du « Transportation Plan », le « plan des transports » mis au point par Solly Zuckerman, le conseiller scientifique de l’Air Marshal Sir Arthur Tedder [5], visant à mettre à mal toute l’infrastructure de transports ferroviaires, routiers et aquatiques utilisée par les forces allemandes en Allemagne et dans tous les territoires occupés par elles, que Domfront devint pour la première fois la cible des avions américains de la 9th Air Force du Lieutenant General Lewis Hyde Brereton.
Si les documents d’archives que nous avons consulté nous autorisent à affirmer que c’est bien la 9th Air Force qui attaqua les installations ferroviaires de la ville de Domfront le dimanche 28 mai 1944 entre 8 heures 30 et 9 heures, aucun en revanche ne nous permet d’établir avec certitude l’identité exacte de l’unité aérienne mobilisée ce jour-là. Les seules sources que nous pouvons actuellement utiliser pour comprendre la réalité de ce premier raid sont les récits qu’en firent ceux qui y assistèrent. Mais l’estimation du nombre d’avions diffère d’un témoignage à l’autre : Sœur Jeanne avance le chiffre d’une « dizaine » ; MM. Hubert, Paillette et Thimothée l’estiment à une « trentaine », tandis qu’André Rougeyron l’évalue pour sa part à une « quarantaine ».
Nous nous heurtons ici au problème que pose l’usage du témoignage en histoire. Contrairement au document officiel, reconnu vrai et offrant des données objectives, le témoignage est le reflet d’une mémoire brute qui, parce qu’il s’inscrit dans le vécu, peut s’avérer subjectif et partiel. Est-ce à dire qu’il faille l’écarter d’un revers de la main ? Lui refuser toute crédibilité ? Évidemment non, mais il faut faire un effort pour le contrôler et tâcher, à partir de lui, de reconstruire la réalité. À défaut de documents d’archives permettant par triangulation de recouper les informations (ce que nous serons amené à faire dans la suite de cette étude au sujet d’autres raids aériens), nous poserons donc deux hypothèses afin d’évaluer le nombre et le type d’appareils – type qui n’est pas non plus clairement défini dans les témoignages – mobilisés par la 9th Air Force ce dimanche 28 mai dans le ciel de Domfront.
Reprenons les récits des témoins pour établir la première hypothèse. « Sur nos têtes relate Sœur Jeanne dans son Journal, tout près, passent le souffle de plusieurs avions descendus en piqué, moteurs presque arrêtés, et le bruit repart, les appareils prennent de la hauteur et ils piquent à nouveau ». À la même heure, Gisèle Paillette, une jeune domfrontaise, observa la scène depuis sa fenêtre de la rue des Fossés-Plisson : « Les avions alliés piquent deux à deux sur la gare, lâchent leurs bombes, et remontent, faisant le tour du clocher (de l’église Saint-Julien, NDA) en crachant des rafales de mitrailleuses ».
Ces deux témoignages nous permettent de déduire que ce ne sont pas les bombardiers légers ou moyens du type Douglas A-20 Havoc ou Martin B-26 Marauder en service au sein du IX Bomber Command qui opérèrent alors, mais des chasseurs-bombardiers attaquant en piqué. Et, comme Sœur Jeanne s’avère tout à fait capable d’identifier ce qu’elle appelle dans son Journal les « avions fourchus » – les fameux Lockheed P-38 Lightning, l’un des deux types de chasseur-bombardier alors en service au sein des groupes de chasse-bombardement du IX Tactical Air Command, facilement reconnaissables à leur deux moteurs et à leur double queue – mais n’en dit rien ce jour-là, le type d’avions mobilisés ne laisse place qu’à peu de doute : il s’agit très certainement de monomoteurs Republic P-47 Thunderbolt, le second type de chasseur-bombardier en service au sein du IX Tactical Air Command commandé par le Major General Otto Weyland et relevant de la 9th Air Force.
En outre, sachant qu’une escadrille (« squadron » en angl.) de chasseurs-bombardiers de la 9th Air Force comptait théoriquement 25 avions, l’estimation du nombre d’appareils mobilisés proposée par MM. Hubert, Paillette et Thimothée nous semble la plus proche de la réalité. Par comparaison, ce premier raid fut d’ailleurs beaucoup moins violent que le second (celui du 2 juin 1944) qui, lui, mobilisa un « Group » de deux « squadrons » de P-47 Thunderbolt (soit 50 avions), comme le rapporte le compte-rendu (que nous présenterons par la suite) de l’Air Chief Marshal Sir Trafford Leigh-Mallory, le commandant en chef des forces aériennes anglaises et américaines dites « tactiques ». Aussi est-ce, selon toute vraisemblance, un « squadron » équipé de 25 Republic P-47 Thunderbolt de l’un des groupes de chasse-bombardement du IX Tactical Air Command qui prit pour cible la gare de Domfront ce 28 mai 1944.
Nous nous heurtons ici au problème que pose l’usage du témoignage en histoire. Contrairement au document officiel, reconnu vrai et offrant des données objectives, le témoignage est le reflet d’une mémoire brute qui, parce qu’il s’inscrit dans le vécu, peut s’avérer subjectif et partiel. Est-ce à dire qu’il faille l’écarter d’un revers de la main ? Lui refuser toute crédibilité ? Évidemment non, mais il faut faire un effort pour le contrôler et tâcher, à partir de lui, de reconstruire la réalité. À défaut de documents d’archives permettant par triangulation de recouper les informations (ce que nous serons amené à faire dans la suite de cette étude au sujet d’autres raids aériens), nous poserons donc deux hypothèses afin d’évaluer le nombre et le type d’appareils – type qui n’est pas non plus clairement défini dans les témoignages – mobilisés par la 9th Air Force ce dimanche 28 mai dans le ciel de Domfront.
Reprenons les récits des témoins pour établir la première hypothèse. « Sur nos têtes relate Sœur Jeanne dans son Journal, tout près, passent le souffle de plusieurs avions descendus en piqué, moteurs presque arrêtés, et le bruit repart, les appareils prennent de la hauteur et ils piquent à nouveau ». À la même heure, Gisèle Paillette, une jeune domfrontaise, observa la scène depuis sa fenêtre de la rue des Fossés-Plisson : « Les avions alliés piquent deux à deux sur la gare, lâchent leurs bombes, et remontent, faisant le tour du clocher (de l’église Saint-Julien, NDA) en crachant des rafales de mitrailleuses ».
Ces deux témoignages nous permettent de déduire que ce ne sont pas les bombardiers légers ou moyens du type Douglas A-20 Havoc ou Martin B-26 Marauder en service au sein du IX Bomber Command qui opérèrent alors, mais des chasseurs-bombardiers attaquant en piqué. Et, comme Sœur Jeanne s’avère tout à fait capable d’identifier ce qu’elle appelle dans son Journal les « avions fourchus » – les fameux Lockheed P-38 Lightning, l’un des deux types de chasseur-bombardier alors en service au sein des groupes de chasse-bombardement du IX Tactical Air Command, facilement reconnaissables à leur deux moteurs et à leur double queue – mais n’en dit rien ce jour-là, le type d’avions mobilisés ne laisse place qu’à peu de doute : il s’agit très certainement de monomoteurs Republic P-47 Thunderbolt, le second type de chasseur-bombardier en service au sein du IX Tactical Air Command commandé par le Major General Otto Weyland et relevant de la 9th Air Force.
En outre, sachant qu’une escadrille (« squadron » en angl.) de chasseurs-bombardiers de la 9th Air Force comptait théoriquement 25 avions, l’estimation du nombre d’appareils mobilisés proposée par MM. Hubert, Paillette et Thimothée nous semble la plus proche de la réalité. Par comparaison, ce premier raid fut d’ailleurs beaucoup moins violent que le second (celui du 2 juin 1944) qui, lui, mobilisa un « Group » de deux « squadrons » de P-47 Thunderbolt (soit 50 avions), comme le rapporte le compte-rendu (que nous présenterons par la suite) de l’Air Chief Marshal Sir Trafford Leigh-Mallory, le commandant en chef des forces aériennes anglaises et américaines dites « tactiques ». Aussi est-ce, selon toute vraisemblance, un « squadron » équipé de 25 Republic P-47 Thunderbolt de l’un des groupes de chasse-bombardement du IX Tactical Air Command qui prit pour cible la gare de Domfront ce 28 mai 1944.
Ce premier raid aérien ne provoqua ni morts ni blessés parmi la population civile. Seul un soldat allemand fut légèrement blessé. Il occasionna en revanche d’importants dégâts matériels. Présent ce matin-là aux côtés de sa mère à la messe dominicale animée à l’orgue par Sœur Jeanne, le jeune Jean-Pierre Lechevallier se rappelle la panique à laquelle céda l’assistance lorsqu’elle fut surprise au milieu de l’office par le vrombissement des moteurs d’avions. Trompant la vigilance de sa mère en quittant précipitamment l’église, Jean-Pierre, âgé de 17 ans à l’époque, gagna le château distant de quelques centaines de mètres et se souvient encore du spectacle terrifiant que lui inspira la vue qui s’offrit alors à lui depuis les remparts sur tout le Quartier Notre-Dame.
Quand les avions s’éloignèrent, ce dernier était noyé dans une fumée épaisse alimentée par plusieurs foyers d’incendie. Une fumée noire venait d’un foyer à gauche, sans doute des réservoirs derrière la distillerie. Plus à droite, la gare elle-même disparaissait dans un formidable rideau de fumées jaunâtres, traversées d’éclairs de flamme. Plusieurs maisons aux alentours furent également sévèrement touchées, notamment près des voies de chemins de fer : détruits, précise Sœur Jeanne, « les petits bâtiments, les magasins de fourrage de la Maison Villette et l’un des réservoirs à essence. Détruites aussi la maison Lagarde et les écuries Coudray et Piquet. Très touchée encore, la maison du cantonnier Jardin, en arrière de la maison Villette [...] Quoique moins importants, d’autres dégâts chez Feyt ». Bien qu’une centaine de vitres ait volé en éclats et que la toiture de certains bâtiments fut pour une part endommagée, l’hôpital de Domfront demeura quant à lui pratiquement intact.
Quand les avions s’éloignèrent, ce dernier était noyé dans une fumée épaisse alimentée par plusieurs foyers d’incendie. Une fumée noire venait d’un foyer à gauche, sans doute des réservoirs derrière la distillerie. Plus à droite, la gare elle-même disparaissait dans un formidable rideau de fumées jaunâtres, traversées d’éclairs de flamme. Plusieurs maisons aux alentours furent également sévèrement touchées, notamment près des voies de chemins de fer : détruits, précise Sœur Jeanne, « les petits bâtiments, les magasins de fourrage de la Maison Villette et l’un des réservoirs à essence. Détruites aussi la maison Lagarde et les écuries Coudray et Piquet. Très touchée encore, la maison du cantonnier Jardin, en arrière de la maison Villette [...] Quoique moins importants, d’autres dégâts chez Feyt ». Bien qu’une centaine de vitres ait volé en éclats et que la toiture de certains bâtiments fut pour une part endommagée, l’hôpital de Domfront demeura quant à lui pratiquement intact.
« On ne sait pas au juste combien de bombes il est tombé, reconnaît Sœur Jeanne, surtout des bombes explosives à ce qu’il semble, mais aussi des bombes incendiaires. Toutes d’ailleurs n’ont pas éclaté, ce qui fait que l’on a dû interdire l’accès à certains endroits ». Pour établir le nombre de bombes larguées lors de ce premier raid du 28 mai 1944, nous pouvons également utiliser le compte-rendu du raid aérien du 2 juin 1944 rédigé par Sir Trafford Leigh-Mallory et formuler une dernière hypothèse.
Le 2 juin en effet, et dans des conditions météorologiques similaires, ce sont 56 bombes incendiaires de 250 kg et 63 bombes explosives de 500 kg que les 50 Thunderbolt lâchèrent sur le quartier de la gare. Un nombre de bombes qui serait deux fois supérieur à celui emporté lors du raid du 28 mai, si, comme nous le supposons, c’est bien une seule escadrille qui prit part à l’attaque ce jour-là. Une attaque qui se produisit sans qu’aucune alerte n’ait sonné. Sœur Jeanne n’oublie pas en effet de rappeler que « la sirène sonna l’alerte... après l’alerte ! ». C’est dire combien ce premier raid prit au dépourvu la population domfrontaise. Mais en effectuant un bombardement de précision d’un quartier de la ville encore assez peu fréquenté à cette heure matinale, les aviateurs alliés parvinrent à limiter à la zone cible les dégâts infligés par leur attaque soudaine.
« Après 17 heures, constate Sœur Jeanne, deux avions argentés se contentaient de virevolter à différentes hauteurs – assez longuement il est vrai – avant de s’en retourner comme ils étaient venus ». Il s’agit là selon toute probabilité de deux chasseurs North American P-51 Mustang (au fuselage métallique à base d’alliages d’aluminium) transformés en appareil de reconnaissance photographique. C’est cette version du P-51 (le P-51 F-6C, équipé de deux appareils photographiques K-24) qui était utilisée au sein de la 9th Air Force par le 10th Photographic Reconnaissance Group pour établir le compte-rendu des opérations, en photographiant avec la précision remarquable des Kodak (dont l’un était installé sous le fuselage des appareils et l’autre, dans le flanc gauche) les cibles détruites, endommagées ou laissées intactes et donc à revisiter.
Le 2 juin en effet, et dans des conditions météorologiques similaires, ce sont 56 bombes incendiaires de 250 kg et 63 bombes explosives de 500 kg que les 50 Thunderbolt lâchèrent sur le quartier de la gare. Un nombre de bombes qui serait deux fois supérieur à celui emporté lors du raid du 28 mai, si, comme nous le supposons, c’est bien une seule escadrille qui prit part à l’attaque ce jour-là. Une attaque qui se produisit sans qu’aucune alerte n’ait sonné. Sœur Jeanne n’oublie pas en effet de rappeler que « la sirène sonna l’alerte... après l’alerte ! ». C’est dire combien ce premier raid prit au dépourvu la population domfrontaise. Mais en effectuant un bombardement de précision d’un quartier de la ville encore assez peu fréquenté à cette heure matinale, les aviateurs alliés parvinrent à limiter à la zone cible les dégâts infligés par leur attaque soudaine.
« Après 17 heures, constate Sœur Jeanne, deux avions argentés se contentaient de virevolter à différentes hauteurs – assez longuement il est vrai – avant de s’en retourner comme ils étaient venus ». Il s’agit là selon toute probabilité de deux chasseurs North American P-51 Mustang (au fuselage métallique à base d’alliages d’aluminium) transformés en appareil de reconnaissance photographique. C’est cette version du P-51 (le P-51 F-6C, équipé de deux appareils photographiques K-24) qui était utilisée au sein de la 9th Air Force par le 10th Photographic Reconnaissance Group pour établir le compte-rendu des opérations, en photographiant avec la précision remarquable des Kodak (dont l’un était installé sous le fuselage des appareils et l’autre, dans le flanc gauche) les cibles détruites, endommagées ou laissées intactes et donc à revisiter.
Or, au cours de l’examen de ces clichés, il n’a pas pu échapper au « Group S-2 » – les officiers d’état-major chargés du renseignement – ce que Germaine Renard avait elle-même relevé, à savoir que « les énormes réservoirs à essence, depuis longtemps camouflés par les Allemands, ont été visés, mais sans grand résultat ». D’autres attaques devaient donc être à craindre dans les jours à venir. Et de fait, tous les réservoirs d’essence n’ayant pas été détruits et d’autres objectifs à la fois ferroviaires et routiers restant encore à traiter à Domfront pour interdire ou ralentir l’accès des forces allemandes dans la zone sud du futur champ de bataille de Normandie, cette première attaque n’était qu’un commencement.
Une première attaque, à valeur égale, est toujours plus dramatique que les suivantes, la population ayant évacué les secteurs menacés ou appris à se ruer dans les abris. Or, dans le cas de Domfront, cela ne va pas se vérifier. Pourquoi ? Les Domfrontais étaient-ils inconscients de la menace des bombardements ? Certainement pas, mais ils firent preuve d’insouciance devant l’éventualité du danger aérien. Le dimanche 16 avril 1944, un avertissement fut radiodiffusé par le service français de la BBC, au nom du commandant suprême Dwight D. Eisenhower, prévenant les populations françaises et belges des attaques à venir contre le système ferroviaire : « Tous les points vitaux des chemins de fer en Belgique et en France vont être soumis à de lourdes attaques aériennes au cours des semaines qui suivront. Éloignez-vous du voisinage de ces objectifs ». Pendant les trois semaines qui suivirent, ce message sera transmis au moins quotidiennement et complété, entre autres, par des émissions de Schumann et par des causeries d’intervenants britanniques et français visant à expliquer plus longuement les raisons du « Transportation Plan ».
Certes, écouter clandestinement la BBC était strictement interdit et, depuis le 22 mars 1944, il fut ordonné par voie de presse à tous les habitants des départements du Calvados, de la Manche et de l’Orne de déposer leur poste de TSF dans les mairies avant le 31 mars. Mais comment comprendre que suite au bombardement du dimanche 28 mai se trouvaient à proximité immédiate de la gare des établissements hôteliers encore en activité ? Que des mesures d’évacuation ou de dispersion n’aient pas été prises par les autorités pour protéger la population ? Rappelons que ces mesures d’évacuation étaient essentiellement du ressort du préfet, tandis que les abris relevaient de la responsabilité des maires. Or si, par peur, une majeure partie de la population fuit de sa propre initiative le Quartier Notre-Dame et que l’accès à certains lieux fut interdit du lundi au mercredi, le temps de répertorier et de neutraliser les projectiles n’ayant pas explosé, à partir du jeudi une certaine activité se remit peu à peu en place autour de la gare, dans le secteur des hôtels et des restaurants.
Le 30 mai, les coupures faites à la ligne de Laval à Caen et de Domfront à Alençon ayant été réparées, les trains recommencèrent à circuler. Le 2 juin au matin, l’un d’eux entra en gare de Domfront au ralenti avec foule aux portières pour voir les effets du bombardement du dimanche précédent. Et en fin de journée, tandis que des enfants jouaient sur la place de la gare, les adultes vaquaient à leurs occupations, comme à l’ordinaire.
Certes, écouter clandestinement la BBC était strictement interdit et, depuis le 22 mars 1944, il fut ordonné par voie de presse à tous les habitants des départements du Calvados, de la Manche et de l’Orne de déposer leur poste de TSF dans les mairies avant le 31 mars. Mais comment comprendre que suite au bombardement du dimanche 28 mai se trouvaient à proximité immédiate de la gare des établissements hôteliers encore en activité ? Que des mesures d’évacuation ou de dispersion n’aient pas été prises par les autorités pour protéger la population ? Rappelons que ces mesures d’évacuation étaient essentiellement du ressort du préfet, tandis que les abris relevaient de la responsabilité des maires. Or si, par peur, une majeure partie de la population fuit de sa propre initiative le Quartier Notre-Dame et que l’accès à certains lieux fut interdit du lundi au mercredi, le temps de répertorier et de neutraliser les projectiles n’ayant pas explosé, à partir du jeudi une certaine activité se remit peu à peu en place autour de la gare, dans le secteur des hôtels et des restaurants.
Le 30 mai, les coupures faites à la ligne de Laval à Caen et de Domfront à Alençon ayant été réparées, les trains recommencèrent à circuler. Le 2 juin au matin, l’un d’eux entra en gare de Domfront au ralenti avec foule aux portières pour voir les effets du bombardement du dimanche précédent. Et en fin de journée, tandis que des enfants jouaient sur la place de la gare, les adultes vaquaient à leurs occupations, comme à l’ordinaire.
C’est à ce moment – à 18 heures 40 précisément – qu’un « Group » de deux escadrilles de Republic P-47 Thunderbolt surgit de nouveau au-dessus de la ville. Le travail d’interprétation des photographies de reconnaissance aérienne prises le 28 mai a dû révéler l’emplacement exact des réservoirs de carburant laissés intacts. Camouflés pour certains dans les jardins et les hangars des établissements du quartier des hôtels et des restaurants, ce secteur devait inévitablement devenir la cible de l’attaque de l’un des « squadrons », tandis que l’autre s’en prendrait une nouvelle fois aux installations ferroviaires, en visant non seulement les voies de chemins de fer, mais d’abord et avant tout le matériel roulant, les voies de garage, le triage, les bâtiments pouvant servir d’atelier de réparation, les systèmes d’aiguillage et les aiguilles elles-mêmes – tout ce qui en fait demandait du temps pour être réparé et paralysait le trafic pour une plus longue durée.
Le rapport que nous citions précédemment, rédigé par Sir Trafford Leigh-Mallory et publié dans le Numéro 37838 du Supplement to The London Gazette of Tuesday, the 31st of December, 1946 sous le titre « Air operations by the allied expeditionary air force in N.W. Europe from November 15th, 1943 to September 30th, 1944 », fait état de cette mission du 2 juin 1944 à Domfront. Le maréchal de l’air précise page 23 : « On 2nd June, a force of 50 Thunderbolt of the United States Ninth Air Force attacked a fuel dump at Domfront. 54 x 500 lb incendiaries and 63 x 1000 lb. G.P. bombs were dropped and severe damage was caused to this dump ». Traduction : « Le 2 juin, une force de 50 Thunderbolt de la 9th Air Force attaqua un dépôt de carburant à Domfront. 54 bombes incendiaires de 250 kg (« 500 lb » en livre, l’unité de masse anglo-saxonne, abrév. « lb », NDA) et 63 bombes explosives (« G [eneral] P [urpose] bombs » en angl.) de 500 kg (ou « 1000 lb ») furent larguées et de graves dégâts furent causés à ce dépôt ».
Comme en témoignèrent MM. Hubert, Paillette et Thimothée dans leur récit consigné en janvier 1945 : « Ce bombardement, extrêmement violent, fait avec des projectiles incendiaires, dura environ 25 minutes. Les avions prenaient de la hauteur à tour de rôle en tournant au-dessus de la ville puis piquaient par groupes de quatre sur la gare en lâchant leurs bombes. Ils reprenaient ensuite de la hauteur en tirant des salves de mitrailleuses sur la ville ».
Le bilan de cette attaque fut tragique. Pour la première fois en effet, on dénombra des victimes parmi la population civile. Huit exactement. Parmi elles, Marguerite Angelot, parisienne séjournant dans l’un des hôtels de la gare ; Madeleine Bouvet et sa sœur Marthe Chevrier (née Bouvet), gérantes du Buffet de la Gare où elles furent tuées alors qu’elle revenaient chercher la caisse du restaurant qu’elles avaient oublié ; Robert Le Guennec, un cheminot habitant à Flers, tué sur la voie ferrée ; Lucien Poulain de Champsecret, alors garçon d’écurie, tué à l’Hôtel de France (les deux jambes arrachées, il décédera le 3 juin sur la route de l’hôpital de Flers) ; Jacques Renucci, un petit parisien âgé de 5 ans réfugié à Domfront, tué sur la place de la gare tandis qu’il jouait sous la surveillance de sa nourrice Mme Betton ; et Bernard Sigwald, agronome, tué dans le jardin du Sacré-Cœur où il était réfugié.
Une huitième victime fut à déplorer ce même jour, dans un autre secteur de la ville de Domfront : Pierre Grare, 29 ans, parisien réfractaire au S.T.O., caché 3, rue du Chêne-Vert à Domfront avec sa femme, son beau-père et ses trois filles (qui ne survivront pas au raid aérien du 14 juin 1944), et qui fut déchiqueté par les éclats d’une bombe tombée juste devant l’entrée du cimetière de La Croix-des-Landes, à l’ouest de Domfront, à proximité immédiate d’un carrefour situé sur un axe important de circulation (RD 908).
Mme Geneviève Clouard témoigne : « Dans la ville, c’est l’occupation allemande et dans le ciel les avions américains volent bas, tournent, assourdissants et menaçants. Mon père nous ordonne d’aller au plus vite, ma mère, ma sœur et moi, nous cacher dans le seul abri possible le plus proche : oui, c’est le caveau provisoire du cimetière, à 50 mètres peut-être. Pendant ce temps, mon père court à la recherche de ma petite sœur. Elle joue, avec la voisine, de l’autre côté de la rue. À ce moment passe Monsieur Grare, réfractaire au S.T.O., réfugié dans notre ville avec sa famille. À peine la grille franchie par chacun des deux hommes mais en sens inverse, une bombe est larguée. Du caveau, nous la vîmes descendre, énorme, grise, écrasante, recouvrant nos cheveux de terre. Puis les avions s’éloignèrent. Ce fut le grand silence. Nous sortîmes de notre abri. Mon père arrivait, chacun se découvrant vivant, cependant mon père était livide, plus que bouleversé. Il nous explique : Monsieur Grare, à quelques pas de lui, avait été tué, déchiqueté par les éclats de la bombe » [6].
À ces huit victimes civiles s’ajoutèrent de nombreux blessés, dont une jeune femme qui fut extraite des décombres grièvement atteinte.
Le rapport que nous citions précédemment, rédigé par Sir Trafford Leigh-Mallory et publié dans le Numéro 37838 du Supplement to The London Gazette of Tuesday, the 31st of December, 1946 sous le titre « Air operations by the allied expeditionary air force in N.W. Europe from November 15th, 1943 to September 30th, 1944 », fait état de cette mission du 2 juin 1944 à Domfront. Le maréchal de l’air précise page 23 : « On 2nd June, a force of 50 Thunderbolt of the United States Ninth Air Force attacked a fuel dump at Domfront. 54 x 500 lb incendiaries and 63 x 1000 lb. G.P. bombs were dropped and severe damage was caused to this dump ». Traduction : « Le 2 juin, une force de 50 Thunderbolt de la 9th Air Force attaqua un dépôt de carburant à Domfront. 54 bombes incendiaires de 250 kg (« 500 lb » en livre, l’unité de masse anglo-saxonne, abrév. « lb », NDA) et 63 bombes explosives (« G [eneral] P [urpose] bombs » en angl.) de 500 kg (ou « 1000 lb ») furent larguées et de graves dégâts furent causés à ce dépôt ».
Comme en témoignèrent MM. Hubert, Paillette et Thimothée dans leur récit consigné en janvier 1945 : « Ce bombardement, extrêmement violent, fait avec des projectiles incendiaires, dura environ 25 minutes. Les avions prenaient de la hauteur à tour de rôle en tournant au-dessus de la ville puis piquaient par groupes de quatre sur la gare en lâchant leurs bombes. Ils reprenaient ensuite de la hauteur en tirant des salves de mitrailleuses sur la ville ».
Le bilan de cette attaque fut tragique. Pour la première fois en effet, on dénombra des victimes parmi la population civile. Huit exactement. Parmi elles, Marguerite Angelot, parisienne séjournant dans l’un des hôtels de la gare ; Madeleine Bouvet et sa sœur Marthe Chevrier (née Bouvet), gérantes du Buffet de la Gare où elles furent tuées alors qu’elle revenaient chercher la caisse du restaurant qu’elles avaient oublié ; Robert Le Guennec, un cheminot habitant à Flers, tué sur la voie ferrée ; Lucien Poulain de Champsecret, alors garçon d’écurie, tué à l’Hôtel de France (les deux jambes arrachées, il décédera le 3 juin sur la route de l’hôpital de Flers) ; Jacques Renucci, un petit parisien âgé de 5 ans réfugié à Domfront, tué sur la place de la gare tandis qu’il jouait sous la surveillance de sa nourrice Mme Betton ; et Bernard Sigwald, agronome, tué dans le jardin du Sacré-Cœur où il était réfugié.
Une huitième victime fut à déplorer ce même jour, dans un autre secteur de la ville de Domfront : Pierre Grare, 29 ans, parisien réfractaire au S.T.O., caché 3, rue du Chêne-Vert à Domfront avec sa femme, son beau-père et ses trois filles (qui ne survivront pas au raid aérien du 14 juin 1944), et qui fut déchiqueté par les éclats d’une bombe tombée juste devant l’entrée du cimetière de La Croix-des-Landes, à l’ouest de Domfront, à proximité immédiate d’un carrefour situé sur un axe important de circulation (RD 908).
Mme Geneviève Clouard témoigne : « Dans la ville, c’est l’occupation allemande et dans le ciel les avions américains volent bas, tournent, assourdissants et menaçants. Mon père nous ordonne d’aller au plus vite, ma mère, ma sœur et moi, nous cacher dans le seul abri possible le plus proche : oui, c’est le caveau provisoire du cimetière, à 50 mètres peut-être. Pendant ce temps, mon père court à la recherche de ma petite sœur. Elle joue, avec la voisine, de l’autre côté de la rue. À ce moment passe Monsieur Grare, réfractaire au S.T.O., réfugié dans notre ville avec sa famille. À peine la grille franchie par chacun des deux hommes mais en sens inverse, une bombe est larguée. Du caveau, nous la vîmes descendre, énorme, grise, écrasante, recouvrant nos cheveux de terre. Puis les avions s’éloignèrent. Ce fut le grand silence. Nous sortîmes de notre abri. Mon père arrivait, chacun se découvrant vivant, cependant mon père était livide, plus que bouleversé. Il nous explique : Monsieur Grare, à quelques pas de lui, avait été tué, déchiqueté par les éclats de la bombe » [6].
À ces huit victimes civiles s’ajoutèrent de nombreux blessés, dont une jeune femme qui fut extraite des décombres grièvement atteinte.
Sur le plan matériel, les dégâts occasionnés par le bombardement du 2 juin furent considérables. Les voies ferrées furent coupées entre la maison du garde-barrière de la route de Mortain et le dépôt de locomotives. Atteints par des bombes incendiaires, plusieurs wagons de marchandises brûlèrent comme des torches. De nombreuses bêtes furent tuées dans les champs situés près de la Varenne. La ferme de la Bretonnière et le château de la Raterie furent sévèrement touchés, tandis que le vieux manoir de Chaponnais fut rasé, seul le pigeonnier demeurant debout. Tout le quartier compris entre la rue de la Gare et Pignon-Blanc fut incendié ou démoli : les hôtels-restaurants, la distillerie, un garage automobile, divers établissements de négociants ainsi que de très nombreuses maisons particulières y furent détruits ou très sérieusement endommagés.
Confrontés à une douzaine de foyers d’incendie, les pompiers de Domfront et les hommes de la Défense passive furent totalement dépassés et en appelèrent à leurs collègues de Flers pour tâcher de les conjurer.
De l’hôpital, encore une fois relativement épargné, les malades, les personnes âgées ainsi que les nourrissons de la maternité furent évacués à 22 heures et emmenés dans trois camions réquisitionnés vers des villages aux alentours (Perrou, La Chapelle-d’Andaine, Saint-Fraimbault et Lonlay-l’Abbaye).
Confrontés à une douzaine de foyers d’incendie, les pompiers de Domfront et les hommes de la Défense passive furent totalement dépassés et en appelèrent à leurs collègues de Flers pour tâcher de les conjurer.
De l’hôpital, encore une fois relativement épargné, les malades, les personnes âgées ainsi que les nourrissons de la maternité furent évacués à 22 heures et emmenés dans trois camions réquisitionnés vers des villages aux alentours (Perrou, La Chapelle-d’Andaine, Saint-Fraimbault et Lonlay-l’Abbaye).
Quartier saccagé, vies brisées, os broyés et chair meurtrie, Domfront et ses habitants n’étaient pas au bout de leur calvaire car, comme le remarque Sœur Jeanne, « les réservoirs d’essence ont perdu leur savant camouflage mais à l’exception d’un seul, paraissent absolument intacts ». Ce qui ne manqua pas d’échapper aux avions de reconnaissance photographique qui, une heure après le bombardement, survolèrent une nouvelle fois le secteur pour enregistrer le résultat de l’attaque.
Le lendemain matin, samedi 3 juin 1944, la population se mit à fuir en masse vers la campagne. « Domfront se vide, Domfront s’en va » écrit Germaine Renard. Et bien lui en prit car, un peu après 15 heures, une troisième attaque de P-47 Thunderbolt, moins violente que celle de la veille, visa de nouveau les voies de chemin de fer, aucune bombe n’étant lâchée sur le Quartier Notre-Dame. Appartenant au 368th Fighter Group du 71th Fighter Wing, ces P-47 étaient rattachés au IX Air Tactical Command de la 9th Air Force. L’un des aviateurs ayant participé à ce raid sur Domfront, le First Lieutenant Clarence E. Staton, pilote au sein du 395th Fighter Squadron (l’une des trois escadrilles de chasse composant le 368th FG, avec les 396th et 397th FS), raconte ainsi dans ses mémoires qu’il revint à sa base AAF-404 de Chibolton (située au nord de Southampton, en Angleterre) avec des pièces de fixation de rails logées dans le nez de son fuselage et dans son moteur ! Une sortie de piqué assurément trop juste.
Le lendemain matin, samedi 3 juin 1944, la population se mit à fuir en masse vers la campagne. « Domfront se vide, Domfront s’en va » écrit Germaine Renard. Et bien lui en prit car, un peu après 15 heures, une troisième attaque de P-47 Thunderbolt, moins violente que celle de la veille, visa de nouveau les voies de chemin de fer, aucune bombe n’étant lâchée sur le Quartier Notre-Dame. Appartenant au 368th Fighter Group du 71th Fighter Wing, ces P-47 étaient rattachés au IX Air Tactical Command de la 9th Air Force. L’un des aviateurs ayant participé à ce raid sur Domfront, le First Lieutenant Clarence E. Staton, pilote au sein du 395th Fighter Squadron (l’une des trois escadrilles de chasse composant le 368th FG, avec les 396th et 397th FS), raconte ainsi dans ses mémoires qu’il revint à sa base AAF-404 de Chibolton (située au nord de Southampton, en Angleterre) avec des pièces de fixation de rails logées dans le nez de son fuselage et dans son moteur ! Une sortie de piqué assurément trop juste.
Cette nouvelle attaque fit une neuvième victime, le Domfrontais Victor Coupel, âgé de 64 ans, courtier en calva, mitraillé alors qu’il circulait bien imprudemment en camion-citerne sur la route de Mortain. Le soir, le Quartier Notre-Dame fut complètement évacué et seuls quelques veilleurs établirent leur poste dans la conciergerie de l’hôpital, lequel fut replié à 3 km sur la commune de La Haute-Chapelle, au vieux manoir de la Guyardière.
La nuit du 5 au 6 juin fut très agitée pour les Domfrontais. Au bruit incessant des avions alliés, dont certains rasaient les toits des habitations, s’ajoutèrent de violents mitraillages, terrorisant la population. Au lever du jour, à l’heure où les premières troupes alliées partaient à l’assaut des plages, l’aviation prit pour cible des convois allemands près du cimetière de Saint-Front ainsi qu’au Pont-de-Caen. À 8 heures 30, deux locomotives furent mitraillées à la gare, laquelle fit une nouvelle fois l’objet d’un sérieux bombardement – le quatrième – vers 13 heures, durant 20 minutes. Le Quartier Notre-Dame ayant été évacué, il ne provoqua aucune victime mais laboura de nouveau les voies ferrées et transforma en torches des wagons de farine. Toute la journée, montant en ligne, les renforts allemands traversèrent la ville. Le soir, vers 19 heures, se dirigeant vers le sud, de nombreuses escadrilles alliées (plus d’une centaine d’appareils, d’après Sœur Jeanne) traversèrent le ciel de la cité médiévale, faisant redouter le pire à ceux qui n’avaient pas évacué la ville. La nuit du 6 au 7 juin fut toutefois relativement tranquille.
Le lendemain, mercredi 7 juin, un nouveau bombardement – le cinquième – matraqua la gare et le Quartier Notre-Dame. Jusqu’alors relativement épargné, l’hôpital fut sévèrement touché et trois bâtiments (le pavillon des femmes, la maison de l’aumônier et une partie de l’ancien bâtiment de l’hôpital) furent anéantis, sans toutefois faire de victime, l’établissement ayant été fort heureusement évacué le 2 juin au soir.
Le lendemain, mercredi 7 juin, un nouveau bombardement – le cinquième – matraqua la gare et le Quartier Notre-Dame. Jusqu’alors relativement épargné, l’hôpital fut sévèrement touché et trois bâtiments (le pavillon des femmes, la maison de l’aumônier et une partie de l’ancien bâtiment de l’hôpital) furent anéantis, sans toutefois faire de victime, l’établissement ayant été fort heureusement évacué le 2 juin au soir.
Du 8 au 12 juin 1944, Domfront connut une période relativement calme. Gênée dans ses opérations par de mauvaises conditions météorologiques (les 8, 9 et 11 juin, le plafond trop bas rendit impossible toute opération d’envergure sur la ville), l’aviation alliée ne se manifesta que très sporadiquement. Les ouvriers de l’Organisation Todt profitèrent de ce répit pour tenter de réparer les dégâts causés par les bombardements des jours précédents. « Le 8 juin au matin écrit André Rougeyron, une formation importante de travailleurs des entreprises Todt envahit la ville. Ils viennent pour réparer, ou plutôt tenter de réparer les voies ferrées ». Le 12 juin, malgré un « ciel très bleu », comme le rapporte Sœur Jeanne, rien ne se passa.
Le 13, le temps se couvrit de nouveau mais, en début de soirée, cette couverture nuageuse se disloqua suffisamment sur la région de Domfront pour permettre la reprise des opérations. « Le temps se relève un peu ce soir écrit Sœur Jeanne. En sortant de table, on entend de nouveau les avions : environ une cinquantaine de chasseurs passe rapidement en direction d’Alençon ». Ces chasseurs, des P-47 Thunderbolt du 404th Fighter Group en mission de reconnaissance armée dans le secteur de Vire et de Domfront, avaient comme objectif la destruction des véhicules sur route et celle des convois ferroviaires. Un peu plus tard, vers 21 heures, ce furent des bombardiers moyens Martin B-26 Marauder qui entrèrent dans la danse. « Un roulement lourd emplit le ciel relate Sœur Jeanne, s’amplifie, se fait menaçant. Dans le contre-jour, j’aperçois six escadrilles de forteresses arrivant du sud-ouest, beaucoup plus bas que d’habitude. Elles sont si serrées et avancent avec une lenteur si régulière qu’on les dirait mues par un moteur unique ».
Bimoteurs à ne pas confondre avec les Boeing B-17 Flying Fortress, les fameux quadrimoteurs de la 8th Air Force qui n’intervinrent jamais dans le ciel de Domfront, ces B-26 s’approchant en formation serrée appartenaient au 387th Bombardment Group (Medium) commandé par le Colonel Thomas M. Seymour. Rattaché au 98th Combat Bombardment Wing du IX Bomber Command de la 9th Air Force, ce groupe de bombardement était basé en Angleterre sur le terrain AAF-162 de Chipping Ongar, dans l’Essex. Sa mission ce soir-là – la 171e du « Group » – était de nouveau la destruction des dépôts de carburant disséminés dans le secteur de la gare. C’est donc une nouvelle fois au Quartier Notre-Dame que l’aviation américaine allait s’en prendre.
Arrivant du sud-ouest et volant à faible altitude en raison des conditions météorologiques, les appareils se présentèrent dans le ciel de Domfront disposés par « box ». Mise au point fin 1942 par Curtis E. LeMay, le légendaire General (alors Lieutenant Colonel) de la 8th Air Force, cette formation de combat consistait à réunir les avions par groupe de six (appelé « flight ») en les faisant voler par trois en formation en V à des altitudes décalées. Trois « flights » (comptant 18 avions) formaient un « box », les missions de bombardement rassemblant généralement deux ou trois « boxes ». Curtis LeMay estimait que ce genre de formation tactique procurait aux appareils le plus haut degré de protection contre les avions ennemis en les empêchant de s’installer au milieu des bombardiers et en regroupant la puissance de feu défensive. Elle optimisait par ailleurs le bombardement en assurant une plus grande concentration des bombes sur la cible et permettait de réaliser une économie significative de carburant, les avions suiveurs bénéficiant de l’effet d’aspiration généré par ceux de tête.
Le 13, le temps se couvrit de nouveau mais, en début de soirée, cette couverture nuageuse se disloqua suffisamment sur la région de Domfront pour permettre la reprise des opérations. « Le temps se relève un peu ce soir écrit Sœur Jeanne. En sortant de table, on entend de nouveau les avions : environ une cinquantaine de chasseurs passe rapidement en direction d’Alençon ». Ces chasseurs, des P-47 Thunderbolt du 404th Fighter Group en mission de reconnaissance armée dans le secteur de Vire et de Domfront, avaient comme objectif la destruction des véhicules sur route et celle des convois ferroviaires. Un peu plus tard, vers 21 heures, ce furent des bombardiers moyens Martin B-26 Marauder qui entrèrent dans la danse. « Un roulement lourd emplit le ciel relate Sœur Jeanne, s’amplifie, se fait menaçant. Dans le contre-jour, j’aperçois six escadrilles de forteresses arrivant du sud-ouest, beaucoup plus bas que d’habitude. Elles sont si serrées et avancent avec une lenteur si régulière qu’on les dirait mues par un moteur unique ».
Bimoteurs à ne pas confondre avec les Boeing B-17 Flying Fortress, les fameux quadrimoteurs de la 8th Air Force qui n’intervinrent jamais dans le ciel de Domfront, ces B-26 s’approchant en formation serrée appartenaient au 387th Bombardment Group (Medium) commandé par le Colonel Thomas M. Seymour. Rattaché au 98th Combat Bombardment Wing du IX Bomber Command de la 9th Air Force, ce groupe de bombardement était basé en Angleterre sur le terrain AAF-162 de Chipping Ongar, dans l’Essex. Sa mission ce soir-là – la 171e du « Group » – était de nouveau la destruction des dépôts de carburant disséminés dans le secteur de la gare. C’est donc une nouvelle fois au Quartier Notre-Dame que l’aviation américaine allait s’en prendre.
Arrivant du sud-ouest et volant à faible altitude en raison des conditions météorologiques, les appareils se présentèrent dans le ciel de Domfront disposés par « box ». Mise au point fin 1942 par Curtis E. LeMay, le légendaire General (alors Lieutenant Colonel) de la 8th Air Force, cette formation de combat consistait à réunir les avions par groupe de six (appelé « flight ») en les faisant voler par trois en formation en V à des altitudes décalées. Trois « flights » (comptant 18 avions) formaient un « box », les missions de bombardement rassemblant généralement deux ou trois « boxes ». Curtis LeMay estimait que ce genre de formation tactique procurait aux appareils le plus haut degré de protection contre les avions ennemis en les empêchant de s’installer au milieu des bombardiers et en regroupant la puissance de feu défensive. Elle optimisait par ailleurs le bombardement en assurant une plus grande concentration des bombes sur la cible et permettait de réaliser une économie significative de carburant, les avions suiveurs bénéficiant de l’effet d’aspiration généré par ceux de tête.
Martin B-26 Marauder. (Coll. U.S. Air Force).
Dans le langage des soldats de l’U.S. Air Force, les « six escadrilles » dont parle Sœur Jeanne correspondent donc à six « flights » formant deux « boxes » et réunissant 36 bombardiers au total. Un nombre d’avions que confirme le témoignage d’André Rougeyron. « Vers 21 heures écrit-il, une formation de 36 appareils bombarda le quartier de la gare, cinq immeubles sont détruits (Poutrel, Maisonnier, Day, Lemonnier et Lecrônier) ; il n’y a pas de victime : depuis longtemps, toute cette zone est évacuée. L’attaque ne s’explique guère, sinon par la présence d’un convoi d’essence dans la cour du garage Poutrel ».
Cette attaque des Marauder était-elle vraiment peu justifiée ? La concession faite par André Rougeyron est importante et suffit à rendre raison de ce raid aérien, car si le convoi allemand était présent dans la cour de ce garage ce soir-là, c’est effectivement parce qu’il abritait l’un des dépôts d’essence servant à ravitailler les forces allemandes en transit dans le secteur. Or, avant et pendant la bataille de Normandie, toute la stratégie aérienne alliée visa à paralyser ce ravitaillement, le pétrole constituant le véritable nerf de la guerre.
D’ailleurs, si l’un des buts du « Transportation Plan » était de mettre à mal le système ferroviaire français (un but atteint puisque, d’après une étude faite après la libération par le bureau scientifique de l’Armée française, sur l’ouest de la France, le trafic ferroviaire déclina au mois de mai 1944, s’effondra à la fin de ce mois et n’était plus qu’à 10% de sa valeur initiale au 15 juin), ce n’était pas simplement pour retarder le plus possible le mouvement des renforts allemands, c’était aussi et surtout pour les obliger à utiliser davantage les routes et donc à consommer davantage d’essence. Cela au moment même où un autre plan mené parallèlement, le « plan du pétrole » mis au point par le Lieutenant General américain Carl A. Spaatz, commandant les US Strategic Air Forces en Europe, prévoyait la mise hors d’état de fonctionnement des raffineries et des usines de carburant synthétique du Reich par d’autres raids aériens. Une fois le système ferroviaire complètement désorganisé, c’était donc à l’approvisionnement en carburant des forces allemandes que les avions alliés devaient s’attaquer en priorité, le moindre dépôt, si modeste soit-il, devant impérativement être détruit. S’intégrant dans ce plan d’ensemble, le bombardement du 13 juin au soir, qui fut bref – « cela a duré à peine cinq minutes » note Sœur Jeanne dans son Journal –, se trouvait ainsi pleinement justifié.
Cette attaque des Marauder était-elle vraiment peu justifiée ? La concession faite par André Rougeyron est importante et suffit à rendre raison de ce raid aérien, car si le convoi allemand était présent dans la cour de ce garage ce soir-là, c’est effectivement parce qu’il abritait l’un des dépôts d’essence servant à ravitailler les forces allemandes en transit dans le secteur. Or, avant et pendant la bataille de Normandie, toute la stratégie aérienne alliée visa à paralyser ce ravitaillement, le pétrole constituant le véritable nerf de la guerre.
D’ailleurs, si l’un des buts du « Transportation Plan » était de mettre à mal le système ferroviaire français (un but atteint puisque, d’après une étude faite après la libération par le bureau scientifique de l’Armée française, sur l’ouest de la France, le trafic ferroviaire déclina au mois de mai 1944, s’effondra à la fin de ce mois et n’était plus qu’à 10% de sa valeur initiale au 15 juin), ce n’était pas simplement pour retarder le plus possible le mouvement des renforts allemands, c’était aussi et surtout pour les obliger à utiliser davantage les routes et donc à consommer davantage d’essence. Cela au moment même où un autre plan mené parallèlement, le « plan du pétrole » mis au point par le Lieutenant General américain Carl A. Spaatz, commandant les US Strategic Air Forces en Europe, prévoyait la mise hors d’état de fonctionnement des raffineries et des usines de carburant synthétique du Reich par d’autres raids aériens. Une fois le système ferroviaire complètement désorganisé, c’était donc à l’approvisionnement en carburant des forces allemandes que les avions alliés devaient s’attaquer en priorité, le moindre dépôt, si modeste soit-il, devant impérativement être détruit. S’intégrant dans ce plan d’ensemble, le bombardement du 13 juin au soir, qui fut bref – « cela a duré à peine cinq minutes » note Sœur Jeanne dans son Journal –, se trouvait ainsi pleinement justifié.
Le mercredi 14 juin 1944 fut le jour le plus noir que Domfront ait connu de toute la bataille de Normandie. C’est en effet à cette date qu’eut lieu le raid aérien le plus meurtrier de tous ceux que la cité endura, provoquant la mort de 27 personnes – des victimes civiles dont nous avons rappelé le souvenir dans la première partie de cette étude – et infligeant à la ville des dégâts matériels considérables.
Les récits vécus de Germaine Renard et d’André Rougeyron ainsi que le Journal de Sœur Jeanne ont parfaitement restitué l’atmosphère de terreur et le spectacle de désolation que provoqua ce bombardement et il n’entre pas dans nos intentions d’en proposer ici un résumé. Nous préférons nous pencher sur un document d’archives militaires américain récemment déclassifié selon l’« Executive Order 13526 – Classified National Security Information » signé par Barack Obama le 29 décembre 2009, lequel nous permet d’apporter un éclairage nouveau sur cette tragique journée du 14 juin.
Nous ayant été aimablement communiqué par Stéphane Robine (des Archives départementales de la Manche) et son réseau de connaissances aux U.S.A., ce document d’archive est un extrait d’un rapport d’activité de la 9th Air Force conservé à Montgomery (Alabama) par l’Air Force Historical Research Agency (l’AFHRA, dépositaire des archives historiques de l’U.S. Air Force) présentant les missions effectuées par certains de ses groupes de bombardement le 14 juin 1944 dans le ciel normand : celles des bombardiers moyens Marauder du 387th BG sur Ambrières-les-Vallées, des bombardiers légers Havoc du 410th BG sur Vire et des Havoc du 409th BG sur Flers.
Les récits vécus de Germaine Renard et d’André Rougeyron ainsi que le Journal de Sœur Jeanne ont parfaitement restitué l’atmosphère de terreur et le spectacle de désolation que provoqua ce bombardement et il n’entre pas dans nos intentions d’en proposer ici un résumé. Nous préférons nous pencher sur un document d’archives militaires américain récemment déclassifié selon l’« Executive Order 13526 – Classified National Security Information » signé par Barack Obama le 29 décembre 2009, lequel nous permet d’apporter un éclairage nouveau sur cette tragique journée du 14 juin.
Nous ayant été aimablement communiqué par Stéphane Robine (des Archives départementales de la Manche) et son réseau de connaissances aux U.S.A., ce document d’archive est un extrait d’un rapport d’activité de la 9th Air Force conservé à Montgomery (Alabama) par l’Air Force Historical Research Agency (l’AFHRA, dépositaire des archives historiques de l’U.S. Air Force) présentant les missions effectuées par certains de ses groupes de bombardement le 14 juin 1944 dans le ciel normand : celles des bombardiers moyens Marauder du 387th BG sur Ambrières-les-Vallées, des bombardiers légers Havoc du 410th BG sur Vire et des Havoc du 409th BG sur Flers.
Declassified IAW, Executive Order 13526,
Série CO-O70, page D-2.
(AFHRA).
Declassified IAW, Executive Order 13526,
Série CO-O70, page E-2.
(AFHRA).
La nature des objectifs visés par ces missions est clairement mentionnée : il s’agissait à chaque fois de nœuds routiers (« road junctions ») ou de points de passage obligés (« choke points »). Ces attaques visant à empêcher la circulation routière des troupes allemandes entraient également dans le programme du « Transportation Plan », lequel n’était pas exclusivement ferroviaire mais possédait aussi un volet routier.
Dès janvier 1944, après consultation de Montgomery, l’Air Chief Marshal Sir Trafford Leigh-Mallory envisagea ainsi d’« aplanir (« flatten out », en angl.) les centres importants de communication routière comme Lisieux, Falaise, Caen, Saint-Lô et Carentan » [7]. Sans cela, d’importantes formations ennemies risquaient d’atteindre la zone du débarquement en moins de 24 heures. Ce qui se concrétisera le 29 mai par une liste de cibles prioritaires devant être attaquées le 6 juin pour retarder tout mouvement routier : Villers-Bocage, Saint-Lô, La Haye-du-Puits, Coutances, Thury-Harcourt, Lisieux, Falaise, Condé-sur-Noireau, Vire, Flers, Argentan et Pont-l’Évêque. Après le débarquement, ce programme se poursuivit et la ville de Flers, qui fut déjà l’objet d’un terrible bombardement sur la gare et le centre-ville le 6 juin à 19h45 (26 Boeing B-17 Flying Fortress de la 8th Air Force y déversant 73,3 tonnes de bombes, provoquant la mort de 97 personnes), devait de nouveau être prise pour cible. Mais, le 14 juin au soir, les choses ne se déroulèrent pas comme prévu, pour le plus grand malheur de Domfront et de ses habitants.
38 bombardiers légers A-20 Havoc du 409th BG basé en Angleterre sur le terrain AAF-165 de Little Walden, dans l’Essex, et formé des 640th, 641st, 642th et 643rd Bombardment Squadrons, furent mobilisés pour cette mission du 14 juin sur Flers où de nouveaux bombardements se produisirent dans la nuit du 7 au 8 juin et dans celle du 11 au 12. Des immeubles furent détruits et certains quartiers, épargnés jusqu’alors, subirent le sort commun. Les 13 et 14 juin dans la journée, les attaques aériennes reprirent, pilonnant la Place Centrale (ou Place des « Cinq Becs », actuelle Place du Général de Gaulle), le principal nœud routier situé au cœur même de la cité. Matériellement désastreux, ces bombardements ne provoquèrent qu’un seul mort, un de trop, la population ayant évacué la ville. Pour la seconde fois le 14 juin, Flers allait donc subir l’assaut des bombardiers venant parachever leur œuvre destructrice. Mais une erreur en décida autrement.
Dès janvier 1944, après consultation de Montgomery, l’Air Chief Marshal Sir Trafford Leigh-Mallory envisagea ainsi d’« aplanir (« flatten out », en angl.) les centres importants de communication routière comme Lisieux, Falaise, Caen, Saint-Lô et Carentan » [7]. Sans cela, d’importantes formations ennemies risquaient d’atteindre la zone du débarquement en moins de 24 heures. Ce qui se concrétisera le 29 mai par une liste de cibles prioritaires devant être attaquées le 6 juin pour retarder tout mouvement routier : Villers-Bocage, Saint-Lô, La Haye-du-Puits, Coutances, Thury-Harcourt, Lisieux, Falaise, Condé-sur-Noireau, Vire, Flers, Argentan et Pont-l’Évêque. Après le débarquement, ce programme se poursuivit et la ville de Flers, qui fut déjà l’objet d’un terrible bombardement sur la gare et le centre-ville le 6 juin à 19h45 (26 Boeing B-17 Flying Fortress de la 8th Air Force y déversant 73,3 tonnes de bombes, provoquant la mort de 97 personnes), devait de nouveau être prise pour cible. Mais, le 14 juin au soir, les choses ne se déroulèrent pas comme prévu, pour le plus grand malheur de Domfront et de ses habitants.
38 bombardiers légers A-20 Havoc du 409th BG basé en Angleterre sur le terrain AAF-165 de Little Walden, dans l’Essex, et formé des 640th, 641st, 642th et 643rd Bombardment Squadrons, furent mobilisés pour cette mission du 14 juin sur Flers où de nouveaux bombardements se produisirent dans la nuit du 7 au 8 juin et dans celle du 11 au 12. Des immeubles furent détruits et certains quartiers, épargnés jusqu’alors, subirent le sort commun. Les 13 et 14 juin dans la journée, les attaques aériennes reprirent, pilonnant la Place Centrale (ou Place des « Cinq Becs », actuelle Place du Général de Gaulle), le principal nœud routier situé au cœur même de la cité. Matériellement désastreux, ces bombardements ne provoquèrent qu’un seul mort, un de trop, la population ayant évacué la ville. Pour la seconde fois le 14 juin, Flers allait donc subir l’assaut des bombardiers venant parachever leur œuvre destructrice. Mais une erreur en décida autrement.
Examinons attentivement la section du rapport d’activité de la 9th Air Force consacrée à la mission du 409th BG devant s’opérer sur Flers. On y lit la mention suivante : « Through a personnel error in lead aircraft, Box I, Domfront was mistaken for Flers and bombed ». Traduction : « Par une erreur personnelle de l’avion-leader du Box I, Domfront a été pris pour Flers et bombardé ». Les officiers du renseignement du 409th (le « Group S-2 ») rapportent que la couverture nuageuse sur l’objectif initial (Flers) était maximale (10 sur 10) mais que le temps ne fut toutefois pas responsable de l’attaque sur la cible d’occasion. (« Group S-2 reported 10/10ths cloud over primary, however weather was not responsible for the attack on a target of opportunity »).
La ville de Domfront prise par erreur pour la « cible principale » (« primary » [target]) et se transformant en « cible d’occasion » (« target of opportunity »), soit, en langage militaire, un objectif n’ayant pas été choisi ou prévu pour la mission, une cible non planifiée ou demandée – quelle découverte ! Jamais cette « erreur » n’a été révélée. Nous qui pensions que, depuis 70 ans maintenant, tout avait été dit ou écrit sur la bataille de Normandie, nous voilà persuadé du contraire. Alors qu’on s’éloigne un peu plus chaque jour de cette période historique, on se rend compte que sa connaissance peut encore s’affiner, notamment parce que de nouveaux éléments de recherche ou d’investigation – à l’image de ce rapport d’activité de la 9th Air Force déclassifié le 31 décembre 2009 – émergent enfin des fonds d’archives militaires.
Pourquoi d’ailleurs ce rapport a-t-il été déclassifié si tardivement ? Serait-ce pour garder secrète l’« erreur » le plus longtemps possible ? On sait combien la moralité des bombardements alliés sur les populations civiles a suscité de vifs débats et comment de nos jours, selon la législation en vigueur, à savoir les conventions de Genève de 1949, et tout particulièrement le premier des deux protocoles additionnels à celles-ci, signés en 1977, ainsi que le Statut de Rome de la Cour Pénale Internationale, signé en 1998, ils seraient tenus pour des « crimes de guerre ».
Sans entrer dans de tels débats qui débordent le cadre de cette étude, nous constaterons seulement que si, comme nous l’avons remarqué précédemment, le volet ferroviaire du « Transportation Plan » a atteint ses objectifs en paralysant le système ferroviaire français, jouant ainsi un rôle bien réel dans la réussite de l’opération « Overlord », le bilan du volet routier est en revanche plus nuancé. On peut même affirmer qu’il n’a pas atteint ses objectifs, car si les bombardements ont bien rempli de gravats les rues des villes, ils ont eu peu d’effets sur les mouvements ennemis, des détours ayant été facilement établis.
Ainsi, après le bombardement de Domfront le 14 juin, pour traverser la ville d’ouest en est (en venant de Mortain, par exemple), les convois allemands passaient par la rue Montgomery, la Place de la Roirie, la rue Clément Bigot, celle de la Poterne et celle du Champ de Foire, avant de rejoindre la route de La Ferté-Macé ou celle d’Alençon. L’allongement ne faisait qu’une centaine de mètres. Et vers le 20 juillet, les ouvriers de l’Organisation Todt ayant déblayé les décombres de la rue de la République et de celle du Maréchal-Foch, les convois recommencèrent à circuler normalement, n’empruntant plus l’itinéraire indiqué ci-dessus. Faut-il en conclure, comme MM. Hubert, Paillette et Thimothée dans leur récit, que le bombardement du 14 juin « ne servit absolument à rien sauf à anéantir toute une partie de la ville » ? Sans doute eurent-ils été plus amers encore s’ils avaient su qu’il était le résultat d’une erreur de navigation.
Si cette erreur commise le 14 juin 1944 vient assurément du bombardier-navigateur de l’avion-leader du Box I, tout le problème reste de savoir ce qu’a bien pu être la cause ayant entraîné une telle méprise. Si ce ne sont pas les conditions météorologiques, sont-ce les coordonnées géographiques de Flers en degrés-minutes-secondes calculées dans le système géodésique WGS 84 qui ont été mal relevées ? Le rapport ne l’explique pas, malheureusement. Il est en revanche très précis sur l’exécution de l’opération et les résultats obtenus. Reprenons-en méthodiquement la lecture.
Au cours de cette mission du 409th BG, qui regroupa sans doute des avions appartenant aux différentes escadrilles formant le groupe de bombardement, deux appareils (« aircraft » en angl., abrév. « a/c ») ne bombardèrent pas (« 2 a/c failed to bomb »), un appareil connaissant une défaillance mécanique (« a mechanical failure »), tandis qu’un autre, l’un des avions de réserve (« spare », en angl.), rentra rapidement à la base (« 1, spare, early return »). Selon une procédure standard en effet, lors d’une mission mobilisant deux « boxes » de A-20 Havoc, deux avions se tenaient en réserve. Décollant avec la formation et l’accompagnant jusqu’à la Manche, ils étaient prêts à remplacer un appareil rencontrant un problème et rentraient à la base si tel n’était pas le cas. Un seul avion nécessitant d’être remplacé, le second retourna donc rapidement à la base.
Parvenus au-dessus du sol normand, deux bombardiers légers furent endommagés par des tirs de la « flak » (la défense anti-aérienne allemande), sans connaître toutefois de pertes ou de victimes (« no losses, casualties »). Trois « FW-190 » et un « ME-109 » (les redoutables Focke-Wulf Fw 190 et Messerschmitt Bf 109 de la chasse allemande) furent aperçus dans le secteur de Cabourg. Le ME-109 s’approcha à environ 550 mètres (« 600 yards ») mais renonça à engager le combat (« failing to press attack »), un Havoc tirant une cinquantaine de balles à l’approche de l’avion ennemi (« enemy aircraft »,abrév. « e/a ») sans que le résultat puisse être observé. Il n’y eut aucune victoire revendiquée (« no claims ») des deux côtés.
Le bombardement s’effectua à une altitude de « 12 000-12 350 » pieds (soit entre 3657 et 3764 mètres d’altitude). Équipé du viseur Estoppey D-8 fabriqué par National Cash Register Inc., la version J du A-20 pouvait atteindre des objectifs bien précis depuis une altitude moyenne. Précisons qu’il existait en effet deux types de Havoc en service au sein du 409th BG : le A-20G et le A-20J. À la différence du A-20G qui possédait un nez en dur dans lequel étaient montées quatre mitrailleuses Browning 12,7 mm de calibre 50, le A-20J avait un nez en plexiglas abritant le poste du bombardier-navigateur équipé du viseur D-8. Cet avion était utilisé par les leaders de chaque « flight », les A-20G devant larguer leurs projectiles quand ils voyaient le leader déverser les siennes. Tandis que l’A-20G comptait trois membres d’équipage (un pilote, un mitrailleur de tourelle et un mitrailleur arrière), l’A-20J en comptait donc un supplémentaire : le bombardier-navigateur dont le rôle était de préparer le plan de vol, d’assurer la navigation pendant la mission et, après avoir acquis la cible en approche finale, de donner l’ordre au pilote de déclencher le largage au moment voulu.
La ville de Domfront prise par erreur pour la « cible principale » (« primary » [target]) et se transformant en « cible d’occasion » (« target of opportunity »), soit, en langage militaire, un objectif n’ayant pas été choisi ou prévu pour la mission, une cible non planifiée ou demandée – quelle découverte ! Jamais cette « erreur » n’a été révélée. Nous qui pensions que, depuis 70 ans maintenant, tout avait été dit ou écrit sur la bataille de Normandie, nous voilà persuadé du contraire. Alors qu’on s’éloigne un peu plus chaque jour de cette période historique, on se rend compte que sa connaissance peut encore s’affiner, notamment parce que de nouveaux éléments de recherche ou d’investigation – à l’image de ce rapport d’activité de la 9th Air Force déclassifié le 31 décembre 2009 – émergent enfin des fonds d’archives militaires.
Pourquoi d’ailleurs ce rapport a-t-il été déclassifié si tardivement ? Serait-ce pour garder secrète l’« erreur » le plus longtemps possible ? On sait combien la moralité des bombardements alliés sur les populations civiles a suscité de vifs débats et comment de nos jours, selon la législation en vigueur, à savoir les conventions de Genève de 1949, et tout particulièrement le premier des deux protocoles additionnels à celles-ci, signés en 1977, ainsi que le Statut de Rome de la Cour Pénale Internationale, signé en 1998, ils seraient tenus pour des « crimes de guerre ».
Sans entrer dans de tels débats qui débordent le cadre de cette étude, nous constaterons seulement que si, comme nous l’avons remarqué précédemment, le volet ferroviaire du « Transportation Plan » a atteint ses objectifs en paralysant le système ferroviaire français, jouant ainsi un rôle bien réel dans la réussite de l’opération « Overlord », le bilan du volet routier est en revanche plus nuancé. On peut même affirmer qu’il n’a pas atteint ses objectifs, car si les bombardements ont bien rempli de gravats les rues des villes, ils ont eu peu d’effets sur les mouvements ennemis, des détours ayant été facilement établis.
Ainsi, après le bombardement de Domfront le 14 juin, pour traverser la ville d’ouest en est (en venant de Mortain, par exemple), les convois allemands passaient par la rue Montgomery, la Place de la Roirie, la rue Clément Bigot, celle de la Poterne et celle du Champ de Foire, avant de rejoindre la route de La Ferté-Macé ou celle d’Alençon. L’allongement ne faisait qu’une centaine de mètres. Et vers le 20 juillet, les ouvriers de l’Organisation Todt ayant déblayé les décombres de la rue de la République et de celle du Maréchal-Foch, les convois recommencèrent à circuler normalement, n’empruntant plus l’itinéraire indiqué ci-dessus. Faut-il en conclure, comme MM. Hubert, Paillette et Thimothée dans leur récit, que le bombardement du 14 juin « ne servit absolument à rien sauf à anéantir toute une partie de la ville » ? Sans doute eurent-ils été plus amers encore s’ils avaient su qu’il était le résultat d’une erreur de navigation.
Si cette erreur commise le 14 juin 1944 vient assurément du bombardier-navigateur de l’avion-leader du Box I, tout le problème reste de savoir ce qu’a bien pu être la cause ayant entraîné une telle méprise. Si ce ne sont pas les conditions météorologiques, sont-ce les coordonnées géographiques de Flers en degrés-minutes-secondes calculées dans le système géodésique WGS 84 qui ont été mal relevées ? Le rapport ne l’explique pas, malheureusement. Il est en revanche très précis sur l’exécution de l’opération et les résultats obtenus. Reprenons-en méthodiquement la lecture.
Au cours de cette mission du 409th BG, qui regroupa sans doute des avions appartenant aux différentes escadrilles formant le groupe de bombardement, deux appareils (« aircraft » en angl., abrév. « a/c ») ne bombardèrent pas (« 2 a/c failed to bomb »), un appareil connaissant une défaillance mécanique (« a mechanical failure »), tandis qu’un autre, l’un des avions de réserve (« spare », en angl.), rentra rapidement à la base (« 1, spare, early return »). Selon une procédure standard en effet, lors d’une mission mobilisant deux « boxes » de A-20 Havoc, deux avions se tenaient en réserve. Décollant avec la formation et l’accompagnant jusqu’à la Manche, ils étaient prêts à remplacer un appareil rencontrant un problème et rentraient à la base si tel n’était pas le cas. Un seul avion nécessitant d’être remplacé, le second retourna donc rapidement à la base.
Parvenus au-dessus du sol normand, deux bombardiers légers furent endommagés par des tirs de la « flak » (la défense anti-aérienne allemande), sans connaître toutefois de pertes ou de victimes (« no losses, casualties »). Trois « FW-190 » et un « ME-109 » (les redoutables Focke-Wulf Fw 190 et Messerschmitt Bf 109 de la chasse allemande) furent aperçus dans le secteur de Cabourg. Le ME-109 s’approcha à environ 550 mètres (« 600 yards ») mais renonça à engager le combat (« failing to press attack »), un Havoc tirant une cinquantaine de balles à l’approche de l’avion ennemi (« enemy aircraft »,abrév. « e/a ») sans que le résultat puisse être observé. Il n’y eut aucune victoire revendiquée (« no claims ») des deux côtés.
Le bombardement s’effectua à une altitude de « 12 000-12 350 » pieds (soit entre 3657 et 3764 mètres d’altitude). Équipé du viseur Estoppey D-8 fabriqué par National Cash Register Inc., la version J du A-20 pouvait atteindre des objectifs bien précis depuis une altitude moyenne. Précisons qu’il existait en effet deux types de Havoc en service au sein du 409th BG : le A-20G et le A-20J. À la différence du A-20G qui possédait un nez en dur dans lequel étaient montées quatre mitrailleuses Browning 12,7 mm de calibre 50, le A-20J avait un nez en plexiglas abritant le poste du bombardier-navigateur équipé du viseur D-8. Cet avion était utilisé par les leaders de chaque « flight », les A-20G devant larguer leurs projectiles quand ils voyaient le leader déverser les siennes. Tandis que l’A-20G comptait trois membres d’équipage (un pilote, un mitrailleur de tourelle et un mitrailleur arrière), l’A-20J en comptait donc un supplémentaire : le bombardier-navigateur dont le rôle était de préparer le plan de vol, d’assurer la navigation pendant la mission et, après avoir acquis la cible en approche finale, de donner l’ordre au pilote de déclencher le largage au moment voulu.
Lors de cette mission du 14 juin 1944, sur les 38 appareils mobilisés (« 38 a/c dispatched »), « 36 » larguèrent « 183 G (eneral) P (urpose) » (bombs) de « 500 » (lb), soit 183 bombes explosives de 250 kg modèle AN-M64 que nous présenterons par la suite. Un bombardement somme toute de faible intensité quand on compare les 45,75 tonnes de bombes larguées aux 2276 déversées sur Caen pendant la seule nuit du 7 au 8 juillet 1944 ou aux 9 790 sur Le Havre entre le 5 et le 11 septembre – des bombardements massifs qui firent plus de 2000 victimes chacun.
Le rapport fait état « box » par « box » des conditions dans lesquelles ce bombardement s’est déroulé et évalue ses performances.
S’agissant du Box I, les conditions météorologiques rencontrées lors du bombardement sont relevées comme ayant été « dégueulasses » (« Gross ») et le résultat du bombardement est estimé comme ayant été correct (« Fair »). Le secteur visé est présenté comme étant la partie ouest d’une zone de stationnement dans le secteur est de Domfront (« the W part of a park area in E section of Domfront »). Cette zone de stationnement est celle située à proximité immédiate de la rue du Pressoir, à une centaine de mètres à l’est de l’objectif visé par les Havoc du Box I : l’intersection de la rue du Maréchal-Joffre (RD 908) et celle du Maréchal-Foch (RD 976). La concentration des bombes est évaluée comme ayant été bonne (« Good concentration »), mais elles furent centrées au niveau de la rue de la République et du Grand Carrefour, soit à environ 260 mètres à l’ouest du point principal d’impact voulu à Domfront, située bien approximativement à 23 km au sud-sud-ouest de la cible initiale (« centered 850 feet West of the desired M.P.I. [main/mean point of impact, NDA] at Domfront, 14,5 miles South-Southwest of primary »). Des coups au but sont relevés sur la route secondaire nord-sud (l’actuelle RD 962 menant à Flers) et la route principale est-ouest reliant Paris via Alençon à la Bretagne (RD 976), trois cratères (« three craters ») étant constatés sur la route principale et un sur la route secondaire. De nombreux coups sont également constatés sur les immeubles attenants à l’intersection (« numerous strikes on buildings adjacent to intersection »).
Concernant le Box II, les conditions météorologiques rencontrées lors du bombardement sont naturellement relevées comme ayant été les mêmes et le résultat du bombardement est également estimé comme ayant été correct. Le secteur visé était un espace carré ouvert près du centre de Domfront (« an open square near center of Domfront »). Ce secteur est celui du Carrefour du Pissot, nœud routier situé au nord de la commune. La concentration des bombes est également évaluée comme ayant été bonne, mais elles furent centrées à environ 244 mètres au nord du point principal d’impact voulu (« centered 800 feet North of desired M.P.I. »). Des coups au but sont considérés comme possibles (« possible direct hits ») sur la route principale de la ville et sur la route secondaire au nord. La plupart des coups sont relevés comme ayant frappés les champs au nord, touchant de petites habitations (« most strikes in fields to North, covering small buildings »).
Le bombardement débuta vers 20 heures. Si les projectiles furent bien largués dans le périmètre des nœuds routiers visés, leur degré de précision fut toutefois relatif, l’erreur par rapport aux points prit pour cible étant de l’ordre de 250 mètres. Un niveau de précision jugé cependant correct par les militaires. L’intersection visée par le Box I se situant au cœur de la cité, son bombardement – qui dura 7 minutes, d’après le témoignage de Germaine Renard – ne pouvait que heurter le dense tissu urbain qui l’entourait, si bien qu’on ne peut pas le qualifier de bavure ou d’accident mais d’élément structurel d’un tel bombardement effectué à une altitude moyenne, laquelle entraîne fatalement une dispersion des projectiles. On peut néanmoins reprocher aux bombardiers de s’être placé à une altitude trop élevée au vu de l’absence de défense anti-aérienne. Arriver sur la cible à une altitude plus basse (comme ce fut le cas le 15 juin, nous le verrons, lorsque les Havoc du 416th BG attaquèrent le secteur du Quartier Notre-Dame entre 2500 et 3000 pieds, soit entre 762 et 914 mètres d’altitude) eut sans doute permis au bombardement d’être plus efficace. Si maintenant l’objectif (inavoué) de ce genre de bombardement était moins de faire des cratères sur les voies de circulation que de provoquer des monceaux de ruines qui obstruent ce qui avait été une rue, ce qui serait faire bien peu de cas de la vie humaine, alors on peut dire qu’il a atteint son but.
En effet, après le passage des deux formations de bombardiers, le Grand Carrefour, la rue des Barbacanes, le début de la Grande Rue, la rue de la République, le début de la rue des Fossés-Plisson, presque toute la rue du Maréchal-Foch jusqu’à l’intersection de la route de La Ferté-Macé et de celle d’Alençon (RD 908/RD 976), la rue d’Enfer, une bonne partie de la rue du Chêne-Vert et l’entrée du Champ de Foire ne formaient plus qu’un amas de ruines. Sur le versant nord de la ville, à proximité du carrefour du Pissot, quelques maisons situées Place Saint-Julien, rue Clément-Bigot, ruelle des Buttes, ainsi que le nouveau presbytère furent détruits, d’autres devant l’être par l’incendie quelques heures plus tard.
Toute la nuit, on retira les morts et les blessés qui gisaient sous les décombres. On les conduisit à un poste de secours établi à la mairie par M. Belin, premier adjoint, et M. le Docteur Lévesque. Après les premiers soins, on emmena les blessés vers le manoir de la Guyardière où l’hôpital de Domfront avait été transféré à la suite des bombardements successifs du quartier de la gare. L’affolement était tel que les Domfrontais n’osaient plus circuler dans la ville. Les victimes furent enterrées – du moins celles que l’on retrouva à ce moment – dans divers jardins de la ville, notamment dans celui de l’ancien presbytère, à la Juvinière, et dans celui du docteur Rémon-Beauvais, personne ne se risquant à les conduire au cimetière de La-Croix-des-Landes.
Des images de ce bombardement du mercredi 14 juin 1944, si tragique pour tant de familles, ont été fixées sur la pellicule. Nous en avons déjà présenté dans la première partie de cette étude. Nous en proposons d’autres ci-dessous regroupées secteur par secteur, sous la forme d’un album photo, en hommage aux 27 personnes qui trouvèrent la mort lors de ce raid aérien ainsi qu’à ceux qui souffrirent dans leur cœur en perdant des êtres chers.
Pour mesurer l’importance des destructions infligées à la ville, nous présentons en contrepoint un certain nombre de photographies de Domfront prises avant-guerre. Illustrant pour la plupart des cartes postales anciennes, ces clichés s’avèrent précieux pour se représenter la configuration des lieux avant qu’ils ne soient frappés de plein fouet par le bombardement.
Le rapport fait état « box » par « box » des conditions dans lesquelles ce bombardement s’est déroulé et évalue ses performances.
S’agissant du Box I, les conditions météorologiques rencontrées lors du bombardement sont relevées comme ayant été « dégueulasses » (« Gross ») et le résultat du bombardement est estimé comme ayant été correct (« Fair »). Le secteur visé est présenté comme étant la partie ouest d’une zone de stationnement dans le secteur est de Domfront (« the W part of a park area in E section of Domfront »). Cette zone de stationnement est celle située à proximité immédiate de la rue du Pressoir, à une centaine de mètres à l’est de l’objectif visé par les Havoc du Box I : l’intersection de la rue du Maréchal-Joffre (RD 908) et celle du Maréchal-Foch (RD 976). La concentration des bombes est évaluée comme ayant été bonne (« Good concentration »), mais elles furent centrées au niveau de la rue de la République et du Grand Carrefour, soit à environ 260 mètres à l’ouest du point principal d’impact voulu à Domfront, située bien approximativement à 23 km au sud-sud-ouest de la cible initiale (« centered 850 feet West of the desired M.P.I. [main/mean point of impact, NDA] at Domfront, 14,5 miles South-Southwest of primary »). Des coups au but sont relevés sur la route secondaire nord-sud (l’actuelle RD 962 menant à Flers) et la route principale est-ouest reliant Paris via Alençon à la Bretagne (RD 976), trois cratères (« three craters ») étant constatés sur la route principale et un sur la route secondaire. De nombreux coups sont également constatés sur les immeubles attenants à l’intersection (« numerous strikes on buildings adjacent to intersection »).
Concernant le Box II, les conditions météorologiques rencontrées lors du bombardement sont naturellement relevées comme ayant été les mêmes et le résultat du bombardement est également estimé comme ayant été correct. Le secteur visé était un espace carré ouvert près du centre de Domfront (« an open square near center of Domfront »). Ce secteur est celui du Carrefour du Pissot, nœud routier situé au nord de la commune. La concentration des bombes est également évaluée comme ayant été bonne, mais elles furent centrées à environ 244 mètres au nord du point principal d’impact voulu (« centered 800 feet North of desired M.P.I. »). Des coups au but sont considérés comme possibles (« possible direct hits ») sur la route principale de la ville et sur la route secondaire au nord. La plupart des coups sont relevés comme ayant frappés les champs au nord, touchant de petites habitations (« most strikes in fields to North, covering small buildings »).
Le bombardement débuta vers 20 heures. Si les projectiles furent bien largués dans le périmètre des nœuds routiers visés, leur degré de précision fut toutefois relatif, l’erreur par rapport aux points prit pour cible étant de l’ordre de 250 mètres. Un niveau de précision jugé cependant correct par les militaires. L’intersection visée par le Box I se situant au cœur de la cité, son bombardement – qui dura 7 minutes, d’après le témoignage de Germaine Renard – ne pouvait que heurter le dense tissu urbain qui l’entourait, si bien qu’on ne peut pas le qualifier de bavure ou d’accident mais d’élément structurel d’un tel bombardement effectué à une altitude moyenne, laquelle entraîne fatalement une dispersion des projectiles. On peut néanmoins reprocher aux bombardiers de s’être placé à une altitude trop élevée au vu de l’absence de défense anti-aérienne. Arriver sur la cible à une altitude plus basse (comme ce fut le cas le 15 juin, nous le verrons, lorsque les Havoc du 416th BG attaquèrent le secteur du Quartier Notre-Dame entre 2500 et 3000 pieds, soit entre 762 et 914 mètres d’altitude) eut sans doute permis au bombardement d’être plus efficace. Si maintenant l’objectif (inavoué) de ce genre de bombardement était moins de faire des cratères sur les voies de circulation que de provoquer des monceaux de ruines qui obstruent ce qui avait été une rue, ce qui serait faire bien peu de cas de la vie humaine, alors on peut dire qu’il a atteint son but.
En effet, après le passage des deux formations de bombardiers, le Grand Carrefour, la rue des Barbacanes, le début de la Grande Rue, la rue de la République, le début de la rue des Fossés-Plisson, presque toute la rue du Maréchal-Foch jusqu’à l’intersection de la route de La Ferté-Macé et de celle d’Alençon (RD 908/RD 976), la rue d’Enfer, une bonne partie de la rue du Chêne-Vert et l’entrée du Champ de Foire ne formaient plus qu’un amas de ruines. Sur le versant nord de la ville, à proximité du carrefour du Pissot, quelques maisons situées Place Saint-Julien, rue Clément-Bigot, ruelle des Buttes, ainsi que le nouveau presbytère furent détruits, d’autres devant l’être par l’incendie quelques heures plus tard.
Toute la nuit, on retira les morts et les blessés qui gisaient sous les décombres. On les conduisit à un poste de secours établi à la mairie par M. Belin, premier adjoint, et M. le Docteur Lévesque. Après les premiers soins, on emmena les blessés vers le manoir de la Guyardière où l’hôpital de Domfront avait été transféré à la suite des bombardements successifs du quartier de la gare. L’affolement était tel que les Domfrontais n’osaient plus circuler dans la ville. Les victimes furent enterrées – du moins celles que l’on retrouva à ce moment – dans divers jardins de la ville, notamment dans celui de l’ancien presbytère, à la Juvinière, et dans celui du docteur Rémon-Beauvais, personne ne se risquant à les conduire au cimetière de La-Croix-des-Landes.
Des images de ce bombardement du mercredi 14 juin 1944, si tragique pour tant de familles, ont été fixées sur la pellicule. Nous en avons déjà présenté dans la première partie de cette étude. Nous en proposons d’autres ci-dessous regroupées secteur par secteur, sous la forme d’un album photo, en hommage aux 27 personnes qui trouvèrent la mort lors de ce raid aérien ainsi qu’à ceux qui souffrirent dans leur cœur en perdant des êtres chers.
Pour mesurer l’importance des destructions infligées à la ville, nous présentons en contrepoint un certain nombre de photographies de Domfront prises avant-guerre. Illustrant pour la plupart des cartes postales anciennes, ces clichés s’avèrent précieux pour se représenter la configuration des lieux avant qu’ils ne soient frappés de plein fouet par le bombardement.
![]() Le Bureau de la Société Générale dans l’entre-deux guerre à l’angle de la rue de la République et de celle des Fossés-Plisson. D’abord occupés par le café Chauvin, les locaux furent ensuite rachetés par André Lafontaine et de nouveau transformés en café baptisé La Terrasse en 1944. (Éditeur inconnu). |
Avant de refermer ce chapitre consacré au bombardement du mercredi 14 juin 1944 et au souvenir de la tourmente vécue par les Domfrontais ce soir-là, ajoutons que si la tragique erreur de l’avion-leader du Box I ne s’était pas produite, Domfront n’en eût pas été nécessairement épargné. Situés au croisement de deux axes majeurs de circulation (un axe nord-sud, Caen-Laval, et l’autre est-ouest, Paris-Bretagne via Alençon), les carrefours de la ville auraient assurément été, tôt ou tard, la cible de l’aviation alliée. Y aurait-il eu moins de morts ou au contraire davantage – nul ne le saura jamais, naturellement. La seule différence entre les deux scénarios est que les habitants auraient pu être prévenus, des avertissements étant lancés aux populations par la voie de tracts les invitant à s’éloigner immédiatement des agglomérations. Mais cela ne fut pas toujours le cas et ces tracts sont parfois tombés à côté des villes, comme à Écouché, Argentan et Vimoutiers, par exemple. Des tracts qui étaient au demeurant d’une telle imprécision – de crainte de mettre en péril la sécurité des opérations, ils ne mentionnaient jamais le nom des villes concernées – que les habitants les ignoraient ou estimaient qu’il ne pouvait s’agir de leur localité.
La nuit de 14 au 15 juin fut de nouveau très agitée du fait du bruit incessant des formations aériennes survolant la ville. Les foyers d’incendie déclenchés par le bombardement du 14 juin se développèrent encore de manière incontrôlable le 15. Dans la haute ville, le brasier provoqué par l’explosion d’une bombe tombée Place Saint-Julien sur la maison du marchand de cycles Hamon se propagea ainsi à deux immeubles attenants (les habitations de l’huissier Letrou, du quincaillier Paris et du tabac-chaussures Mouton devenant la proie des flammes), tandis que dans la basse-ville un feu violent et destructeur finissait de ravager les maisons situées entre le Grand Carrefour et la rue du Chêne-Vert (le Bazar Doisneau-Belloche brûlant entièrement avec ses annexes, notamment). À 16 heures, de puissantes escadrilles traversèrent le ciel de la cité, laissant craindre un nouveau bombardement du centre-ville. Mais rien ne se passa. Seules quelques attaques de chasseurs-bombardiers se produisirent sur la route d’Alençon et celle de Mayenne.
Sœur Jeanne, qui comme Germaine Renard avait fuit Domfront après le bombardement du 14 pour se réfugier au manoir de la Guyardière, revint le 15 au matin au pensionnat de l’Ange Gardien pour y sauver du pillage et d’éventuels incendies ce qui pouvait l’être. En fin d’après-midi, elle quitta de nouveau Domfront en quête d’un gîte pour la nuit. Aussi ne trouve-t-on dans son Journal, comme dans le récit de Germaine Renard, aucune mention du bombardement qui débuta à 18h19/18h20 exactement le 15 juin 1944 et visa une nouvelle fois le Quartier Notre-Dame. Seul André Rougeyron en fait état, mais de manière lapidaire. « Le 15 écrit-il, vers 18h30, nouvelle attaque de la gare par des bombardiers lourds : l’hôpital est atteint et la maison de Mme Lechippey détruite par le feu, malgré les efforts des pompiers qui passeront la nuit sur place ». Bien qu’offrant un témoignage intéressant sur ce qui se déroula alors, celui-ci demeure toutefois imprécis, voire inexact, comme on va pouvoir s’en rendre compte en procédant à un examen approfondi de cette nouvelle opération lancée sur Domfront par les forces aériennes alliées.
Cet examen se base sur l’étude de documents d’archives militaires conservés par l’Air Force Historical Research Agency (AFHRA) et réunis par les soins de Waynes G. Sayles, archiviste du 416th Bomb Group Archive, une association établie à Gainesville (Missouri) dont la mission est d’honorer la mémoire de ceux qui servirent au sein de cette unité. Il s’appuie d’autre part sur le témoignage de l’un des acteurs de ce bombardement, le First Lieutenant Harold Dave Andrews, Jr., 91 ans, dont nous avons retrouvé la trace et qui a accepté de nous faire partager ses souvenirs de la mission qu’il a mené aux commandes de son appareil dans le ciel de la cité médiévale ce jour-là.
Sœur Jeanne, qui comme Germaine Renard avait fuit Domfront après le bombardement du 14 pour se réfugier au manoir de la Guyardière, revint le 15 au matin au pensionnat de l’Ange Gardien pour y sauver du pillage et d’éventuels incendies ce qui pouvait l’être. En fin d’après-midi, elle quitta de nouveau Domfront en quête d’un gîte pour la nuit. Aussi ne trouve-t-on dans son Journal, comme dans le récit de Germaine Renard, aucune mention du bombardement qui débuta à 18h19/18h20 exactement le 15 juin 1944 et visa une nouvelle fois le Quartier Notre-Dame. Seul André Rougeyron en fait état, mais de manière lapidaire. « Le 15 écrit-il, vers 18h30, nouvelle attaque de la gare par des bombardiers lourds : l’hôpital est atteint et la maison de Mme Lechippey détruite par le feu, malgré les efforts des pompiers qui passeront la nuit sur place ». Bien qu’offrant un témoignage intéressant sur ce qui se déroula alors, celui-ci demeure toutefois imprécis, voire inexact, comme on va pouvoir s’en rendre compte en procédant à un examen approfondi de cette nouvelle opération lancée sur Domfront par les forces aériennes alliées.
Cet examen se base sur l’étude de documents d’archives militaires conservés par l’Air Force Historical Research Agency (AFHRA) et réunis par les soins de Waynes G. Sayles, archiviste du 416th Bomb Group Archive, une association établie à Gainesville (Missouri) dont la mission est d’honorer la mémoire de ceux qui servirent au sein de cette unité. Il s’appuie d’autre part sur le témoignage de l’un des acteurs de ce bombardement, le First Lieutenant Harold Dave Andrews, Jr., 91 ans, dont nous avons retrouvé la trace et qui a accepté de nous faire partager ses souvenirs de la mission qu’il a mené aux commandes de son appareil dans le ciel de la cité médiévale ce jour-là.
Dévolue au 416th Bombardment Group (L) par le « Field Order n° 85-375 » du 97th Combat Bombardment Wing relevant du IX Bomber Command de la 9th Air Force, cette mission sur Domfront mobilisa 38 bombardiers légers Douglas A-20 G et J Havoc appartenant aux quatre escadrilles du groupe de bombardement léger occupant la base aérienne AAF-170 de Wethersfield en Angleterre. Sur ces 38 avions, et selon une procédure standard que nous avons présenté précédemment, deux appareils se tenaient en réserve. Décollant avec la formation et l’accompagnant jusqu’à la Manche, ils étaient prêts à remplacer un appareil rencontrant un problème et retournaient à la base si tel n’était pas le cas.
Selon l’ordre de mission n° 85-375 envoyé au 416th BG en date du 15 juin 1944, classé secret et transmis par l’Operations Officer du 97th CBW, le Major Clarence S. Towles, une couverture devait être fournie à la formation par des chasseurs alliés, mais, la vitesse et les moyens de défense des Havoc pouvant leur permettre de se dispenser d’un appui de la chasse habituellement procuré par des Supermarine Spitfire ou des Republic P-47 Thunderbolt, cette couverture ne fut finalement pas assurée et c’est sans escorte que les bombardiers légers du 416th BG exécutèrent la mission qui leur était confiée.
La répartition des avions par escadrille était la suivante :
6 avions du 668th Bombardment Squadron (code de fuselage : 5H)
7 avions du 669th Bombardment Squadron (code de fuselage : 2A)
13 avions du 670th Bombardment Squadron (code de fuselage : F6)
12 avions du 671st Bombardment Squadron (code de fuselage : 5C)
Selon l’ordre de mission n° 85-375 envoyé au 416th BG en date du 15 juin 1944, classé secret et transmis par l’Operations Officer du 97th CBW, le Major Clarence S. Towles, une couverture devait être fournie à la formation par des chasseurs alliés, mais, la vitesse et les moyens de défense des Havoc pouvant leur permettre de se dispenser d’un appui de la chasse habituellement procuré par des Supermarine Spitfire ou des Republic P-47 Thunderbolt, cette couverture ne fut finalement pas assurée et c’est sans escorte que les bombardiers légers du 416th BG exécutèrent la mission qui leur était confiée.
La répartition des avions par escadrille était la suivante :
6 avions du 668th Bombardment Squadron (code de fuselage : 5H)
7 avions du 669th Bombardment Squadron (code de fuselage : 2A)
13 avions du 670th Bombardment Squadron (code de fuselage : F6)
12 avions du 671st Bombardment Squadron (code de fuselage : 5C)
416th Bombardment Group (L),
mission n° 78, 15 juin 1944, Domfront.
(AFHRA/416th Bomb Group Archive).
Devant tous les membres d’équipage, la mission débuta par un briefing général dirigé par l’officier commandant le 416th Bombardment Group (L), le Colonel Harold L. Mace, assisté de deux officiers en charge de la météorologie et du renseignement au sein de l’unité. Dans la salle d’opérations, hautement sécurisée, une grande carte du sud de l’Angleterre et du nord de la France était accrochée au mur. Un cordon rouge vif marquait le plan de vol.
Sur un tableau noir étaient indiqués l’heure de décollage, les coordonnées de la cible (secteur codé 4801 W/24 à Domfront et référencé 042034 sur la carte utilisée) ainsi que tous les détails de l’attaque. Les bombardiers-navigateurs prenaient des notes. Ses dernières instructions données, le Colonel Mace conclut la réunion en indiquant le « time check » sur lequel toutes les montres furent synchronisées.
Une fois le briefing terminé, transportés en Jeep Wyllis ou en camion, les équipages rejoignirent l’aire de stationnement de leur avion sur la base aérienne, chaque « squadron » ayant son aire réservée. Une fois installés dans leur cockpit, assis sur leur parachute qu’ils inséraient dans leur siège et dès que le signal leur en fut donné par le contrôle aérien, à 16h10 précisément, les pilotes démarrèrent leurs deux moteurs Wright Cyclone de 1600 chevaux chacun afin de faire monter l’huile en température et d’atteindre les niveaux de pression exigés.
Pendant les 10 minutes que dura ce « warm up », observant scrupuleusement la « check-list », ils contrôlèrent soigneusement tous les instruments de bord et les nombreuses jauges. Embarquant une tonne d’explosifs (ou 1,5 tonne dans certains appareils de la mission) et des milliers de balles de mitrailleuse 12,7 mm de calibre 50, ils gagnèrent ensuite, entre 16h21 et 16h29, la piste d’envol où, alignés deux par deux, ils occupèrent la place précise qui leur avait été assignée dans la formation : l’avion occupant la position 1 du Flight I du Box I en tête, avec sur sa droite, quelques mètres en retrait, celui occupant la position 2 ; juste derrière lui, celui occupant la position 3 ; et ainsi de suite. La main sur la commande des gaz, les pilotes n’attendaient plus que l’autorisation de décollage de la tour de contrôle pour la pousser à sa puissance maximale et libérer ainsi les 3200 chevaux de leur appareil.
Pendant les 10 minutes que dura ce « warm up », observant scrupuleusement la « check-list », ils contrôlèrent soigneusement tous les instruments de bord et les nombreuses jauges. Embarquant une tonne d’explosifs (ou 1,5 tonne dans certains appareils de la mission) et des milliers de balles de mitrailleuse 12,7 mm de calibre 50, ils gagnèrent ensuite, entre 16h21 et 16h29, la piste d’envol où, alignés deux par deux, ils occupèrent la place précise qui leur avait été assignée dans la formation : l’avion occupant la position 1 du Flight I du Box I en tête, avec sur sa droite, quelques mètres en retrait, celui occupant la position 2 ; juste derrière lui, celui occupant la position 3 ; et ainsi de suite. La main sur la commande des gaz, les pilotes n’attendaient plus que l’autorisation de décollage de la tour de contrôle pour la pousser à sa puissance maximale et libérer ainsi les 3200 chevaux de leur appareil.
L’avion du leader de la formation, le Major William J. Meng, décolla en premier, à 16h34 exactement. À raison d’un décollage toutes les 15 secondes (15 secondes entre les avions décollant alternativement des deux lignes d’envol, 30 secondes entre les avions d’une même ligne), la formation entière composée de deux « boxes » fut en vol en 10 minutes, chaque « box » mettant environ 5 minutes à décoller. Les premiers avions ralentissant leur vitesse pour attendre les derniers, tous les appareils furent rangés en formation de combat à 16h55 et purent ainsi se mettre en route vers leur objectif. Leur position exacte dans chaque « box » nous est connue grâce à la liste qu’en dresse le rapport suivant.
mission n° 78, 15 juin 1944, Domfront.
(AFHRA/416th Bomb Group Archive).
(AFHRA/416th Bomb Group Archive).
Le Box I était commandé par le Major Meng, assisté de son adjoint le First Lieutenant John P. Hillerman ; le Box II, par le Captain David A. Hulse, assisté par le Second Lieutenant Leonard R. McBride. Chaque « box » se composant de trois « flights » regroupant chacun six avions, plus un avion de réserve par « box », ce sont donc 38 appareils (dont 32 A-20G et 6 A-20J) qui se lancèrent dans cette opération, la 78e mission du 416th Bombardment Group (L) depuis sa création le 25 janvier 1943 et son activation le 3 février de la même année à Will Rogers Field, à Oklahoma City (Oklahoma).
Dans l’« Operational Report » (le rapport opérationnel de la mission que nous examinerons par la suite), leur objectif est défini comme étant un dépôt de munitions à Domfront (« Target - Domfront Ammunition Dump »). Mais, selon le 1st Lt. Andrews, il s’agit là d’une erreur puisque la cible était en fait un dépôt de carburant. C’est du reste ce qu’atteste plusieurs documents, dont un rapport que nous présenterons également par la suite rédigé par un officier du renseignement du 416th BG, le Captain Clayton W. Zesiger, et intitulé « First Interpretation Report » qui indique que la cible de la mission n° 78 du 15 juin 1944 était un « dépôt de carburant à la limite sud-ouest de la gare de triage » (« Fuel storage on southwest edge of marshalling yards »).
Dans l’« Operational Report » (le rapport opérationnel de la mission que nous examinerons par la suite), leur objectif est défini comme étant un dépôt de munitions à Domfront (« Target - Domfront Ammunition Dump »). Mais, selon le 1st Lt. Andrews, il s’agit là d’une erreur puisque la cible était en fait un dépôt de carburant. C’est du reste ce qu’atteste plusieurs documents, dont un rapport que nous présenterons également par la suite rédigé par un officier du renseignement du 416th BG, le Captain Clayton W. Zesiger, et intitulé « First Interpretation Report » qui indique que la cible de la mission n° 78 du 15 juin 1944 était un « dépôt de carburant à la limite sud-ouest de la gare de triage » (« Fuel storage on southwest edge of marshalling yards »).
![]() Adjoint du leader du Box II, le 2nd Lt. Leonard R. McBride, pilote du A-20G 43-9224 (F6-E) appartenant au 670th BS, occupait la position 2 du Flight I du Box II. Promu 1st Lt. le 30 juin 1944, il accomplit son « Combat Tour » de 65 missions et rentra aux U.S.A. le 28 décembre 1944. Décoré de la Distinguished Flying Cross en mai 1945, il est décédé le 9 septembre 2009, à l’âge de 90 ans et huit mois. (Coll. 416th Bomb Group Archive). |
Faisant état des conditions météorologiques rencontrées lors de la mission, un rapport établi par le 1st Lt. Walter D. Castle, l’officier en charge des questions météorologiques au sein du 416th BG, indique que des cumulus étaient présents au-dessus de la base aérienne de Wethersfield à l’heure du décollage, à 3500 pieds d’altitude (couverture nuageuse de 6 à 7 sur 10), et que la visibilité était de 9 miles. Il précise que cette couverture nuageuse a diminué sur le sud de l’Angleterre et au-dessus de la Manche (4 à 5 sur 10) et que la visibilité y était alors de 8 à 10 miles.
416th Bombardment Group (L),
mission n° 78, 15 juin 1944, Domfront.
(AFHRA/416th Bomb Group Archive).
Rédigé après la mission, ce rapport du Staff Weather Officer permet de comparer les données météorologiques rencontrées durant l’opération avec celles prévues avant la mission et de se rendre compte que la couverture nuageuse fut sous-estimée et la visibilité, surestimée. Les prévisions météorologiques communiquées aux équipages lors du briefing final étaient consignées dans le rapport suivant intitulé « Operational Route Forecast ».
416th Bombardment Group (L),
mission n° 78, 15 juin 1944, Domfront.
(AFHRA/416th Bomb Group Archive).
Une fois en formation de combat et sans escorte, les bombardiers légers suivirent une route passant par Gravesend (dans le nord-ouest du Kent) et Brighton (dans l’East Sussex) où ils franchirent les côtes anglaises à 17h17, puis débutèrent leur survol de la Manche à très basse altitude pour échapper aux moyens de détection ennemis. Aucun avion n’ayant rencontré de problème, les deux appareils de réserve revinrent se poser à la base de Wethersfield : celui du 1st Lt. Hilary P. Cole (Box I) à 17h46 et celui du 1st Lt. Patrick F.E. MacManus (Box II) à 17h47.
Le rapport suivant préparé par le Major John G. Napier, Commanding Officer du 668th BS, rédigé par le 1st Lieutenant John M. Bonura, officier du « Group Headquarter » du 416th BG, et adressé au 97th Combat Bombardment Wing ainsi qu’au IX Bomber Command, consigne, entre autres renseignements, la répartition par « squadron » des appareils dans les deux « boxes », l’identité des « leader » et de leurs adjoints (« deputy », en angl.), et l’heure à laquelle la formation survola Brighton à l’aller (17h19) et au retour (19h08).
416th Bombardment Group (L),
mission n° 78, 15 juin 1944, Domfront.
(AFHRA/416th Bomb Group Archive).
À 17h50, parvenue sur le continent, à Cabourg exactement, la formation de bombardiers regagna une altitude de 2500 pieds, avec une présence de cumulus entre 4000 et 5500 pieds et une couverture nuageuse de 2 à 3 sur 10. Elle prit alors la direction du sud, vers Falaise, avant d’obliquer vers le sud-ouest et de mettre le cap sur Condé-sur-Noireau, puis sur Vire et, une fois atteint le secteur de Saint-Sever, elle revint vers Domfront en passant par Sourdeval, décrivant ainsi une large boucle vers l’ouest pour atteindre son objectif.
C’est à environ 25 km de Domfront, dans le secteur de Sourdeval, que les mitrailleurs arrières de trois appareils de la formation, dont celui de l’avion du 1st Lt. Andrews, commencèrent à larguer des « windows » par l’ouverture créée dans le bas du fuselage du Havoc pour y installer la Browning M2 de calibre 50. Ces bandes d’aluminium de 30 cm de long et de 1,5 cm de large (appelées conventionnellement windows, « fenêtres » en fr.) étaient une contre-mesure destinée à brouiller les moyens de défense anti-aérienne allemands guidés par des radars. Assemblées en botte de 2000 maintenue par un élastique, ces bandes d’aluminium se déliaient quand elles étaient larguées et, mettant 15 minutes à se disperser, formaient un nuage de bandelettes qui donnait sur l’écran-radar un écho semblable à celui d’un avion. En lâchant ces bottes toutes les minutes, il était possible de saturer la zone par des échos si nombreux que tout repérage devenait impossible, les tirs de la DCA perdant de ce fait toute efficacité.
C’est à environ 25 km de Domfront, dans le secteur de Sourdeval, que les mitrailleurs arrières de trois appareils de la formation, dont celui de l’avion du 1st Lt. Andrews, commencèrent à larguer des « windows » par l’ouverture créée dans le bas du fuselage du Havoc pour y installer la Browning M2 de calibre 50. Ces bandes d’aluminium de 30 cm de long et de 1,5 cm de large (appelées conventionnellement windows, « fenêtres » en fr.) étaient une contre-mesure destinée à brouiller les moyens de défense anti-aérienne allemands guidés par des radars. Assemblées en botte de 2000 maintenue par un élastique, ces bandes d’aluminium se déliaient quand elles étaient larguées et, mettant 15 minutes à se disperser, formaient un nuage de bandelettes qui donnait sur l’écran-radar un écho semblable à celui d’un avion. En lâchant ces bottes toutes les minutes, il était possible de saturer la zone par des échos si nombreux que tout repérage devenait impossible, les tirs de la DCA perdant de ce fait toute efficacité.
de six Douglas A-20G Havoc du 416th BG.
(Coll. U.S. Air Force).
Après 1 heure 45 de vol, sans avoir rencontré d’avion ennemi sur le trajet, la formation arriva au-dessus de Domfront où régnait, à 4000 pieds d’altitude, une très faible couverture nuageuse (1 sur 10) et une visibilité de 8 miles. Les premiers appareils larguèrent leurs bombes à 18h19-18h20 exactement, sans être gênés par les conditions météorologiques (« weather did not affect bombing » précise le rapport du Staff Weather Officer W. D. Castle), ni inquiétés par la défense anti-aérienne allemande (les « windows » ayant pleinement joué leur rôle).
172 bombes de 250 kg étaient embarquées dans les appareils, chaque avion en transportant quatre, à l’exception de 11 A-20G et de 3 A-20J qui en transportaient chacun six, deux bombes supplémentaires étant accrochées sous les ailes, ce qui n’allait pas sans provoquer une perte de vitesse et de manœuvrabilité de ces appareils. 142 bombes devaient être larguées par les A-20G et 30 par les A-20J. Toutefois, sur les 172 prévus initialement, seuls 163 projectiles furent déversés sur la zone cible. Les problèmes techniques ayant affecté le largage des bombes lors de cette mission et les raisons de ces dysfonctionnements firent l’objet du compte-rendu rédigé à la main par le Captain William A. McDonald, l’officier de maintenance du 670th Bombardment Squadron.
172 bombes de 250 kg étaient embarquées dans les appareils, chaque avion en transportant quatre, à l’exception de 11 A-20G et de 3 A-20J qui en transportaient chacun six, deux bombes supplémentaires étant accrochées sous les ailes, ce qui n’allait pas sans provoquer une perte de vitesse et de manœuvrabilité de ces appareils. 142 bombes devaient être larguées par les A-20G et 30 par les A-20J. Toutefois, sur les 172 prévus initialement, seuls 163 projectiles furent déversés sur la zone cible. Les problèmes techniques ayant affecté le largage des bombes lors de cette mission et les raisons de ces dysfonctionnements firent l’objet du compte-rendu rédigé à la main par le Captain William A. McDonald, l’officier de maintenance du 670th Bombardment Squadron.
416th Bombardment Group (L),
mission n° 78, 15 juin 1944, Domfront.
(AFHRA/416th Bomb Group Archive).
Examinons attentivement ce rapport :
Quatre bombes de l’A-20G (43-9493, 5C-V) du 1st Lt. Robert H. Smith (Box I, Flight III, position 3) tombèrent lorsque les portes de la soute à bombes s’ouvrirent, le relais électrique de largage faisant contact à cause des vibrations et d’un ajustement insuffisant de l’interrupteur (« Release relay making contact due to vibration and insufficient clearance of breaker points »).
L’A-20G (43-9393, 5C-K) du 1st Lt. Richard E. Greenley (Box I, Flight III, position 4) revint à la base avec une bombe, la boucle du câble auquel l’engin explosif était suspendu provoquant une déconnexion dans le circuit de largage en se coinçant dans le relais électrique qui commande le crochet du porte-bombe (« Arming wire loop caught in arming wire retainer holding breaker points apart, leaving an opening in release circuit »).
Une bombe de l’A-20G (43-9224, F6-E) baptisé « Miss Laid » du 1st Lt. Leonard R. McBride (Box II, Flight I, position 2) ne fut pas larguée à cause d’un mécanisme défaillant, un solénoïde de largage ayant brûlé (« Release solenoid burn out »).
L’A-20G (43-9717, 5C-N) du 1st Lt. Earl L. Hayter (Box II, Flight II, position 3) revint à la base avec une bombe, le mécanisme de largage défaillant causant une sortie retardée (« Faulty release mechanism causing a delayed released »).
L’A-20G (43-9189, 2A-P1) « Greetings from Winsome Winnie » du 1st Lt. Jack F. Smith (Box II, Flight II, position 5) revint à la base avec une bombe, un solénoïde de largage ayant également brûlé, mais la cause du dysfonctionnement était encore indéterminée lorsque le rapport fut rédigé (« Release solenoid burn out. Complete cause yet undetermined »).
L’A-20G (43-9961, 2A-E1) du 1st Lt. Hiram B. Clark (Box II, Flight II, position 6) revint à la base avec une bombe, une connexion électrique ayant été mal installée (« Cannon plug improperly installed »).
Quatre bombes de l’A-20G (43-9493, 5C-V) du 1st Lt. Robert H. Smith (Box I, Flight III, position 3) tombèrent lorsque les portes de la soute à bombes s’ouvrirent, le relais électrique de largage faisant contact à cause des vibrations et d’un ajustement insuffisant de l’interrupteur (« Release relay making contact due to vibration and insufficient clearance of breaker points »).
L’A-20G (43-9393, 5C-K) du 1st Lt. Richard E. Greenley (Box I, Flight III, position 4) revint à la base avec une bombe, la boucle du câble auquel l’engin explosif était suspendu provoquant une déconnexion dans le circuit de largage en se coinçant dans le relais électrique qui commande le crochet du porte-bombe (« Arming wire loop caught in arming wire retainer holding breaker points apart, leaving an opening in release circuit »).
Une bombe de l’A-20G (43-9224, F6-E) baptisé « Miss Laid » du 1st Lt. Leonard R. McBride (Box II, Flight I, position 2) ne fut pas larguée à cause d’un mécanisme défaillant, un solénoïde de largage ayant brûlé (« Release solenoid burn out »).
L’A-20G (43-9717, 5C-N) du 1st Lt. Earl L. Hayter (Box II, Flight II, position 3) revint à la base avec une bombe, le mécanisme de largage défaillant causant une sortie retardée (« Faulty release mechanism causing a delayed released »).
L’A-20G (43-9189, 2A-P1) « Greetings from Winsome Winnie » du 1st Lt. Jack F. Smith (Box II, Flight II, position 5) revint à la base avec une bombe, un solénoïde de largage ayant également brûlé, mais la cause du dysfonctionnement était encore indéterminée lorsque le rapport fut rédigé (« Release solenoid burn out. Complete cause yet undetermined »).
L’A-20G (43-9961, 2A-E1) du 1st Lt. Hiram B. Clark (Box II, Flight II, position 6) revint à la base avec une bombe, une connexion électrique ayant été mal installée (« Cannon plug improperly installed »).
Ce furent ainsi 40 750 kg d’explosifs – au lieu des 43 000 prévus – qui furent déversés sur la zone cible au cours de la mission n° 78. Le point A du rapport opérationnel (« Operational Report » en angl., abrév. « Oprep ») rédigé le 16 juin par le Captain George Schenkein (Adjutant du 416th BG), établit « flight » par « flight » pour chacun des deux « boxes » le nombre de projectiles largués et évalue le résultat de chaque bombardement.
416th Bombardment Group (L),
mission n° 78, 15 juin 1944, Domfront.
(AFHRA/416th Bomb Group Archive).
(AFHRA/416th Bomb Group Archive).
Traduisons dans son intégralité le point A de ce rapport opérationnel.
« La formation était composée de 2 boxes de 18 avions chacun, bombardant par flight de six. La formation décolla de sa base à 16h34. Heure sur la cible : 18h19-18h20. Le flight 1 du box 1 largua à 2500 pieds un total de 26 bombes sur la zone cible avec d’excellents résultats. Le flight 2 du box 1 largua à 2500 pieds un total de 30 bombes sur la zone cible avec de bons résultats. Le flight 3 du box 1 largua à 2500 pieds un total de 25 bombes sur la zone cible avec d’excellents résultats. Le flight 1 du box 2 largua à 3000 pieds un total de 27 bombes sur la zone cible avec des résultats corrects. Le flight 2 du box 2 largua à 3000 pieds un total de 23 bombes sur la zone cible avec des résultats corrects. Le flight 3 du box 2 largua à 2500 pieds un total de 32 bombes sur la zone cible avec des résultats corrects. La visibilité était de 8 miles avec une couverture nuageuse de 1 sur 10. Le tir anti-aérien a été très imprécis 8 miles à l’est de Caen. Un appareil recevant des dommages de catégorie A. Aucun tir anti-aérien subi au-dessus de la zone cible. Aucun avion ennemi rencontré. Les avions atterrirent à la base à 20h01 ».
« La formation était composée de 2 boxes de 18 avions chacun, bombardant par flight de six. La formation décolla de sa base à 16h34. Heure sur la cible : 18h19-18h20. Le flight 1 du box 1 largua à 2500 pieds un total de 26 bombes sur la zone cible avec d’excellents résultats. Le flight 2 du box 1 largua à 2500 pieds un total de 30 bombes sur la zone cible avec de bons résultats. Le flight 3 du box 1 largua à 2500 pieds un total de 25 bombes sur la zone cible avec d’excellents résultats. Le flight 1 du box 2 largua à 3000 pieds un total de 27 bombes sur la zone cible avec des résultats corrects. Le flight 2 du box 2 largua à 3000 pieds un total de 23 bombes sur la zone cible avec des résultats corrects. Le flight 3 du box 2 largua à 2500 pieds un total de 32 bombes sur la zone cible avec des résultats corrects. La visibilité était de 8 miles avec une couverture nuageuse de 1 sur 10. Le tir anti-aérien a été très imprécis 8 miles à l’est de Caen. Un appareil recevant des dommages de catégorie A. Aucun tir anti-aérien subi au-dessus de la zone cible. Aucun avion ennemi rencontré. Les avions atterrirent à la base à 20h01 ».
Un autre rapport concernant les bombardements de la mission n° 78 du 15 juin à Domfront a également été rédigé le 16 juin par le Captain Schenkein et transmis au IX Bomber Command. Présenté en Annexe A de l’« Operational Report », ce rapport se décline en six volets, un pour chacun des trois « flights » des deux « boxes ».
Box I, Flight I,
(26 bombes, mention « excellent »),
416th Bombardment Group (L),
mission n° 78, 15 juin 1944, Domfront.
(AFHRA/416th Bomb Group Archive).
Box I, Flight II,
(30 bombes, mention « bon »).
(AFHRA/416th Bomb Group Archive).
Box I, Flight III,
(25 bombes, mention « excellent »).
(AFHRA/416th Bomb Group Archive).
Box II, Flight I,
(27 bombes, mention « correct »).
(AFHRA/416th Bomb Group Archive).
Box II, Flight II,
(23 bombes, mention « correct »).
(AFHRA/416th Bomb Group Archive).
Box II, Flight III,
(32 bombes, mention « correct »).
(AFHRA/416th Bomb Group Archive).
Outre la date de la mission, le groupe de bombardement mobilisé et la cible attaquée (présentée de nouveau comme étant un dépôt de munitions à Domfront, au lieu d’un dépôt de carburant), ce rapport indique tout d’abord :
1/ la méthode de visée employée (le viseur D.8 ayant été utilisé avec des données prédéfinies correctement enregistrées) ;
2/ l’approche de la cible suivie par les bombardiers, mentionnée en degré magnétique. (Venant de l’ouest et passant par le secteur de Mortain et de Saint-Georges-de-Rouelley, la formation de bombardiers amorça un virage après Saint-Gilles-des-Marais et mit le cap vers le nord en direction du Quartier Notre-Dame qu’elle atteignit venant du sud, soleil dans le dos, protection supplémentaire pour aborder la cible dans de meilleures conditions et surprendre d’éventuels artilleurs de DCA, tout éblouis).
Ce rapport précise également :
3/ si le système de visée utilisant le mercure comme gyrostabilisateur (pour corriger l’inclinaison des avions) a été utilisé (ce qui ne fut pas le cas) ;
4/ si les avions du « flight » ont bien suivi le bombardier-navigateur lorsque ce dernier a déclenché le bombardement ; si les données prédéfinies sur le viseur D-8 ont été utilisées et si le point principal d’impact (abrév. MPI) a été utilisé comme de point de visée (« aiming point », abrév. AP) (ce qui fut le cas à chaque fois).
Il présente en outre :
5/ le nom et le grade du pilote leader du « flight » ;
6/ le nom et le grade de son bombardier-navigateur.
Il signale aussi :
7/ qu’aucun intervallomètre (servant à programmer des déclenchements photo à fréquence régulière) n’a été utilisé.
Il fournit des informations :
8/ sur la vitesse du vent en altitude et au sol (en miles par heure) et sur l’altitude de largage des bombes (en pieds) ;
9/ sur le temps en seconde que dura le bombardement ;
10/ sur le nombre et le type de bombes chargées par appareil et leur vitesse de chute (un astérisque renvoyant vers une note en bas de page précisant le nombre d’avions embarquant six bombes au lieu des quatre usuelles) ;
11/ sur le nombre exact de bombes larguées par le « flight ».
Il permet de savoir :
12/ a) que les conditions météorologiques ou la visibilité n’ont pas affecté l’identification de la cible et son bombardement ;
b) qu’en dehors de la météo et de la visibilité, aucune autre difficulté n’a été rencontrée, sauf pour deux « flights » (le Flight II du Box I et le Flight II du Box II) qui ont vu le point de visée obscurci par les nuages de poussière et de fumée provoqués par les bombes des autres « flights » ;
c) que la défense anti-aérienne ennemie n’a pas gêné le bombardement ;
d) qu’aucun appareil ennemi non plus.
Il demande enfin :
e) que soit exposées toutes les difficultés rencontrées lors du bombardement. (Réponse : il n’y en eut aucune, « none » en angl.) ;
f) que soit mentionnés les dysfonctionnements, les erreurs du personnel ou tout autre facteur ayant affecté le bombardement. (Réponse : « none », étonnamment d’ailleurs puisque nous venons de présenter un rapport faisant état des problèmes techniques – sans doute jugés trop peu importants pour être relevés – qui ont tout de même bien été rencontrés lors de la mission) ;
g) que soit évalué le résultat du bombardement en précisant si la cible visée fut la bonne (ce qui fut le cas à chaque fois) et en classant le résultat du bombardement de chaque « flight » par catégorie : de « mauvais/manqué » (« Bad/Miss », en angl.) à « bon » (« Good »), la mention « Excellent », qui n’existait pas dans le préimprimé, ayant été ajoutée à deux reprises à la machine à écrire (pour le Flight I et et le Flight II du Box I).
1/ la méthode de visée employée (le viseur D.8 ayant été utilisé avec des données prédéfinies correctement enregistrées) ;
2/ l’approche de la cible suivie par les bombardiers, mentionnée en degré magnétique. (Venant de l’ouest et passant par le secteur de Mortain et de Saint-Georges-de-Rouelley, la formation de bombardiers amorça un virage après Saint-Gilles-des-Marais et mit le cap vers le nord en direction du Quartier Notre-Dame qu’elle atteignit venant du sud, soleil dans le dos, protection supplémentaire pour aborder la cible dans de meilleures conditions et surprendre d’éventuels artilleurs de DCA, tout éblouis).
Ce rapport précise également :
3/ si le système de visée utilisant le mercure comme gyrostabilisateur (pour corriger l’inclinaison des avions) a été utilisé (ce qui ne fut pas le cas) ;
4/ si les avions du « flight » ont bien suivi le bombardier-navigateur lorsque ce dernier a déclenché le bombardement ; si les données prédéfinies sur le viseur D-8 ont été utilisées et si le point principal d’impact (abrév. MPI) a été utilisé comme de point de visée (« aiming point », abrév. AP) (ce qui fut le cas à chaque fois).
Il présente en outre :
5/ le nom et le grade du pilote leader du « flight » ;
6/ le nom et le grade de son bombardier-navigateur.
Il signale aussi :
7/ qu’aucun intervallomètre (servant à programmer des déclenchements photo à fréquence régulière) n’a été utilisé.
Il fournit des informations :
8/ sur la vitesse du vent en altitude et au sol (en miles par heure) et sur l’altitude de largage des bombes (en pieds) ;
9/ sur le temps en seconde que dura le bombardement ;
10/ sur le nombre et le type de bombes chargées par appareil et leur vitesse de chute (un astérisque renvoyant vers une note en bas de page précisant le nombre d’avions embarquant six bombes au lieu des quatre usuelles) ;
11/ sur le nombre exact de bombes larguées par le « flight ».
Il permet de savoir :
12/ a) que les conditions météorologiques ou la visibilité n’ont pas affecté l’identification de la cible et son bombardement ;
b) qu’en dehors de la météo et de la visibilité, aucune autre difficulté n’a été rencontrée, sauf pour deux « flights » (le Flight II du Box I et le Flight II du Box II) qui ont vu le point de visée obscurci par les nuages de poussière et de fumée provoqués par les bombes des autres « flights » ;
c) que la défense anti-aérienne ennemie n’a pas gêné le bombardement ;
d) qu’aucun appareil ennemi non plus.
Il demande enfin :
e) que soit exposées toutes les difficultés rencontrées lors du bombardement. (Réponse : il n’y en eut aucune, « none » en angl.) ;
f) que soit mentionnés les dysfonctionnements, les erreurs du personnel ou tout autre facteur ayant affecté le bombardement. (Réponse : « none », étonnamment d’ailleurs puisque nous venons de présenter un rapport faisant état des problèmes techniques – sans doute jugés trop peu importants pour être relevés – qui ont tout de même bien été rencontrés lors de la mission) ;
g) que soit évalué le résultat du bombardement en précisant si la cible visée fut la bonne (ce qui fut le cas à chaque fois) et en classant le résultat du bombardement de chaque « flight » par catégorie : de « mauvais/manqué » (« Bad/Miss », en angl.) à « bon » (« Good »), la mention « Excellent », qui n’existait pas dans le préimprimé, ayant été ajoutée à deux reprises à la machine à écrire (pour le Flight I et et le Flight II du Box I).
Ce « Bombing Information Report » nous apprend également que les « flights » des deux boxes n’ont pas bombardé dans l’ordre qu’ils occupaient dans la formation, puisqu’il mentionne le fait que le Flight 2 du Box I bombarda en dernier (« This flight bombed last »).
Procédant à l’analyse des différents bombardements à partir de l’examen des photographies aériennes prises au cours de la mission n° 78 du 15 juin 1944, le rapport suivant rédigé par le Captain Clayton W. Zesiger, Photo Intelligence Officer du 416th Photographic Services Group, nous permet de connaître l’ordre dans lequel les six « flights » de la formation procédèrent au largage de leurs bombes : « 1,3,4,6,5,2 ». Le flight I du Box I bombarda ainsi en premier ; le Flight III du Box I, en deuxième (« bombed second ») ; le Flight I du Box II, en troisième (« bombed third ») ; le Flight III du Box II, en quatrième (« bombed fourth ») ; le Flight II du Box II, en cinquième (« bombed fifth ») ; et le Flight II du Box I, en dernier (« bombed last »).
Procédant à l’analyse des différents bombardements à partir de l’examen des photographies aériennes prises au cours de la mission n° 78 du 15 juin 1944, le rapport suivant rédigé par le Captain Clayton W. Zesiger, Photo Intelligence Officer du 416th Photographic Services Group, nous permet de connaître l’ordre dans lequel les six « flights » de la formation procédèrent au largage de leurs bombes : « 1,3,4,6,5,2 ». Le flight I du Box I bombarda ainsi en premier ; le Flight III du Box I, en deuxième (« bombed second ») ; le Flight I du Box II, en troisième (« bombed third ») ; le Flight III du Box II, en quatrième (« bombed fourth ») ; le Flight II du Box II, en cinquième (« bombed fifth ») ; et le Flight II du Box I, en dernier (« bombed last »).
416th Bombardment Group (L),
mission n° 78, 15 juin 1944, Domfront.
(AFHRA/416th Bomb Group Archive).
416th Bombardment Group (L),
mission n° 78, 15 juin 1944, Domfront.
(AFHRA/416th Bomb Group Archive).
Notons que ce rapport du Captain Zesiger indique que le point principal d’impact (abrév. M.P.I.) de la mission n° 78 du 15 juin 1944 était bien « un dépôt de carburant à la limite sud-ouest de la gare de triage » (« Fuel storage on southwest edge of marshalling yards »), non un dépôt de munitions. Il précise également que, sur les 36 appareils mobilisés pour cette mission, 35 ont attaqué, un des avions de la formation, l’A-20G (43-9493, 5C-V) du 1st Lt. Smith (Box I, Flight III, position 3), n’ayant pas bombardé la cible puisque ses quatre bombes tombèrent lorsque les portes de la soute à bombes s’ouvrirent, comme en témoigne l’« Aircraft Malfunction Report » présenté précédemment. Il signale enfin que 157 bombes furent larguées, alors qu’il y en eut en fait 163, comme l’ont établi, avec davantage de précision, l’« Operational Report » et les « Bombing Information Reports ».
Aucun élément de ce rapport ne permet par contre de comprendre pourquoi les Flights II des Boxes I et II n’ont pas bombardé dans l’ordre qu’ils occupaient dans la formation. Qu’est-ce ce qui a bien pu les en empêcher ? Aucune difficulté ayant pu affecter les bombardements de ces deux « flights » n’est signalée dans les « Bombing Information Reports ». Et aucun autre rapport relatif à la mission n° 78 du 15 juin 1944 conservé par l’AFHRA ne nous renseigne à ce sujet.
Une carte réalisée par le Captain Robert G. Bailey, Intelligence Officer du 668th Bombardment Squadron, retraçant l’itinéraire parcouru par les avions du 416th BG sur le continent montre que l’un des « flights » fut même obligé de faire un second « run » sur la cible pour procéder au largage de ses bombes (« One flight of formation made second run ») et qu’il subit ensuite, sur la route du retour vers l’Angleterre, des tirs de DCA à l’est de Caen (nous y reviendrons). Quel est, au juste, l’identité de ce « flight » ? La suite de notre enquête nous permettra de démontrer que c’est le Flight II du Box I dont l’avion leader était l’A-20J (43-21467, F6-W) du Captain Chester R. Jackson. Or, c’est à ce « flight » qu’appartenait l’A-20G (43-9363, 5C-L) du 1st Lt. Harold D. Andrews. Nous l’avons donc interrogé sur la raison pour laquelle ce second « run » fut nécessaire, mais, malheureusement, il ne s’en souvenait plus. 70 ans après, la mémoire s’efface, nécessairement. Et quand aucun document ne vient la seconder pour préserver le passé de l’oubli, rien ne permet plus de résister à ce travail négatif du temps.
Aucun élément de ce rapport ne permet par contre de comprendre pourquoi les Flights II des Boxes I et II n’ont pas bombardé dans l’ordre qu’ils occupaient dans la formation. Qu’est-ce ce qui a bien pu les en empêcher ? Aucune difficulté ayant pu affecter les bombardements de ces deux « flights » n’est signalée dans les « Bombing Information Reports ». Et aucun autre rapport relatif à la mission n° 78 du 15 juin 1944 conservé par l’AFHRA ne nous renseigne à ce sujet.
Une carte réalisée par le Captain Robert G. Bailey, Intelligence Officer du 668th Bombardment Squadron, retraçant l’itinéraire parcouru par les avions du 416th BG sur le continent montre que l’un des « flights » fut même obligé de faire un second « run » sur la cible pour procéder au largage de ses bombes (« One flight of formation made second run ») et qu’il subit ensuite, sur la route du retour vers l’Angleterre, des tirs de DCA à l’est de Caen (nous y reviendrons). Quel est, au juste, l’identité de ce « flight » ? La suite de notre enquête nous permettra de démontrer que c’est le Flight II du Box I dont l’avion leader était l’A-20J (43-21467, F6-W) du Captain Chester R. Jackson. Or, c’est à ce « flight » qu’appartenait l’A-20G (43-9363, 5C-L) du 1st Lt. Harold D. Andrews. Nous l’avons donc interrogé sur la raison pour laquelle ce second « run » fut nécessaire, mais, malheureusement, il ne s’en souvenait plus. 70 ans après, la mémoire s’efface, nécessairement. Et quand aucun document ne vient la seconder pour préserver le passé de l’oubli, rien ne permet plus de résister à ce travail négatif du temps.
416th Bombardment Group (L),
mission n° 78, 15 juin 1944, Domfront.
(AFHRA/416th Bomb Group Archive).
Les photographies aériennes du bombardement du 15 juin 1944 que les officiers du renseignement du 416th Photographic Services Group examinèrent après la mission ont été réalisés grâce à des appareils embarqués à bord des avions. Certains de ces appareils – des Kodak K-20 portatifs – étaient transportés par les membres d’équipage eux-mêmes, tandis que d’autres – des Kodak K-24 automatiques – étaient montés en position fixe dans l’avion et se déclenchaient dès l’ouverture des portes des soutes à bombes.
Le rapport suivant rédigé par le Captain Francis J. Cachat, Aerial Photo Officer du 416th Photographic Services Group, précise quels étaient les avions équipés d’appareils photographiques lors de la mission n° 78 du 15 juin 1944, distinguant les appareils photographiques portatifs (« hand camera » en angl., abrév. « HC ») de ceux montés dans le bas du fuselage arrière de l’avion (« camera », abrév. « C »). Il consigne également pour chaque avion l’heure de décollage (« aircraft take off », abrév. « ATO ») et d’atterrissage (« landing time ») ; son « squadron » d’origine (abrév. « SQD » – les lettres correspondant aux différents escadrilles : « A » pour 668th BS, « B » pour 669th BS, « C » pour 670th BS et « D » pour 671st BS) ; la dernière lettre de code de son fuselage (« aircraft letter », abrév. « A/C LTR ») et les trois dernières lettres de son numéro de série (abrév. « A/C NO »).
Le rapport suivant rédigé par le Captain Francis J. Cachat, Aerial Photo Officer du 416th Photographic Services Group, précise quels étaient les avions équipés d’appareils photographiques lors de la mission n° 78 du 15 juin 1944, distinguant les appareils photographiques portatifs (« hand camera » en angl., abrév. « HC ») de ceux montés dans le bas du fuselage arrière de l’avion (« camera », abrév. « C »). Il consigne également pour chaque avion l’heure de décollage (« aircraft take off », abrév. « ATO ») et d’atterrissage (« landing time ») ; son « squadron » d’origine (abrév. « SQD » – les lettres correspondant aux différents escadrilles : « A » pour 668th BS, « B » pour 669th BS, « C » pour 670th BS et « D » pour 671st BS) ; la dernière lettre de code de son fuselage (« aircraft letter », abrév. « A/C LTR ») et les trois dernières lettres de son numéro de série (abrév. « A/C NO »).
416th Bombardment Group (L),
mission n° 78, 15 juin 1944, Domfront.
(AFHRA/416th Bomb Group Archive).
(AFHRA/416th Bomb Group Archive).
Un autre rapport établi par le Captain Francis J. Cachat indique le nombre et le type d’appareils photographiques embarqués lors de la mission n° 78 du 15 juin 1944 – 5 K-24 et 3 K-20 – et décompte le nombre de clichés réalisés par chaque appareil. À l’aide de deux schémas représentant les deux « boxes » engagés lors de cette mission, il montre également quelle était la position des avions équipés d’un appareil photographique dans leur « flight » respectif en mentionnant leur numéro de fuselage.
416th Bombardment Group (L),
mission n° 78, 15 juin 1944, Domfront.
(AFHRA/416th Bomb Group Archive).
Bien qu’aucun marquage ne soit lisible sur l’appareil présent à gauche de la troisième photographie aérienne, nous pouvons déduire de la position attribuée à chaque avion dans le Flight III du Box I qu’il s’agit de l’A-20G (43-9393, 5C-K) du 1st Lt. Richard E. Greenley (pilote), du Staff Sergeant Howard C. Worden (mitrailleur arrière) et du Staff Sergeant Joseph J. Rzepka (mitrailleur de tourelle) – cet appareil occupant la position 4, juste derrière l’avion-leader piloté par le Captain Lloyd F. Dunn et sur l’aile droite de l’appareil du 1st Lt. J. R. Miller.
Des images de la mission n° 78 du 15 juin 1944 ont également été réalisées par le S/Sgt. Arthur E. Mayhew, l’un des membres d’équipage de l’A20J 43-21711 (5C-S) piloté par le Captain Lloyd F. Dunn (Box I, Flight III, position 1). Affecté au 416th BG, le S/Sgt. Mayhew était également rattaché à la 4th Combat Camera Unit. Pendant la Seconde Guerre mondiale, quatorze « Combat Camera Units » (CCU) de l’U.S. Air Force ont fourni une couverture photographique et cinématographique de la guerre sur tous les théâtres d’opérations. En mars 1944, un détachement de la 4th CCU commandé par le 1st Lt. Glen Sutliff fut attaché au 416th BG à la base aérienne de Wethersfield pour couvrir les activités des Douglas A-20 Havoc. Ce détachement de la 4th CCU ne faisait pas partie du 416th Photographic Services Group dirigé par le Cpt. Francis J. Cachat. C’est la raison pour laquelle, dans ses rapports, on ne trouve aucune trace de l’activité du S/Sgt. Mayhew, ni du matériel qu’il embarqua lors de la mission n° 78 du 15 juin 1944 à Domfront.
Occupant la positon du mitrailleur arrière dans l’A-20J du Cpt. Dunn, face à l’ouverture aménagée dans la partie basse du fuselage du Havoc, le S/Sgt. Mayhew réalisa – sans doute avec un K-20 – la troisième photographie aérienne présentée ci-dessus, le plus médiatisé de tous les clichés pris lors de l’opération menée par le 416th BG à Domfront. Occupant la position 1 du Flight III du Box I, son avion était situé juste devant ceux des 1st Lts. Miller (à dr. sur la photo) et Greenley (à g.). C’est lui aussi qui réalisa la quatrième photographie aérienne, moins connue mais tout aussi réussie, où figure l’A-20G du 1st Lt. Greenley survolant la côte de La Raterie.
Le S/Sgt. Mayhew tourna également des images à l’aide d’une Camera Bell & Howell Eyemo 35mm model N, le type de caméra 35 mm avec laquelle opéraient les « Combat Photographers » de la 4th CCU. Ces images ont été extraites par Wayne G. Sayles du film original complet disponible en ligne dans les archives de la NARA sous le titre : Army Air Forces Combat Weekly Digest, n° 38. D’une durée de 1 minute et 11 secondes, l’extrait regroupe des images tournées par différents soldats de la 4th CCU lors des missions du 416th BG n° 76 (le 14 juin, à Saint-Hilaire-du-Harcouët), n° 77 (le 15 juin au matin, à Lessay) et n° 78 (le 15 juin après-midi, à Domfront). Dans la séquence dédiée à la mission n° 78 (0:42 - 1:11 mn), on peut voir les nuages de poussière et de fumée soulevés par la déflagration des bombes dans le secteur sud-ouest de la gare de Domfront, mais aussi « Uncle Bob », l’A-20G du 2nd Lt. Miller, entrer dans le champ de la camera.
Le S/Sgt. Mayhew tourna également des images à l’aide d’une Camera Bell & Howell Eyemo 35mm model N, le type de caméra 35 mm avec laquelle opéraient les « Combat Photographers » de la 4th CCU. Ces images ont été extraites par Wayne G. Sayles du film original complet disponible en ligne dans les archives de la NARA sous le titre : Army Air Forces Combat Weekly Digest, n° 38. D’une durée de 1 minute et 11 secondes, l’extrait regroupe des images tournées par différents soldats de la 4th CCU lors des missions du 416th BG n° 76 (le 14 juin, à Saint-Hilaire-du-Harcouët), n° 77 (le 15 juin au matin, à Lessay) et n° 78 (le 15 juin après-midi, à Domfront). Dans la séquence dédiée à la mission n° 78 (0:42 - 1:11 mn), on peut voir les nuages de poussière et de fumée soulevés par la déflagration des bombes dans le secteur sud-ouest de la gare de Domfront, mais aussi « Uncle Bob », l’A-20G du 2nd Lt. Miller, entrer dans le champ de la camera.
Extrait du film Army Air Forces Combat Weekly Digest, n° 38 montrant les missions du 416th BG n° 76, 77 et 78 des 14 et 15 juin 1944. (Coll. U.S. NARA).
Ces vues aériennes montrent bien la zone ciblée par les bombardiers légers du 416th BG : non pas les installations ferroviaires elles-mêmes, mais le secteur contigu aux voies ferrées, situé au sud-ouest de la gare, où se trouvait la distillerie de Domfront dont les réservoirs servaient aux Allemands pour stocker du carburant. La première photographie aérienne donne à voir un rare aperçu du dégagement initial d’énergie d’une 500 lb General Purpose Bomb explosant à quelques mètres de la distillerie de Domfront.
Si les largages effectués par les deux premiers « flights » furent évalués comme étant « excellents » (« Excellent »), ceux des troisième, quatrième et cinquième « flights » furent jugés « corrects » (« Fair ») seulement, tandis que celui du sixième et dernier fut estimé « bon » (« Good »). Cette différence s’explique par le fait que les nuages de poussière et de fumée provoqués par les premiers bombardements génèrent le travail des bombardiers-navigateurs qui ne purent viser leur cible avec le même degré de précision.
Le rapport que nous avons présenté précédemment du Captain Zesiger intitulé « First Phase Interpretation » est accompagné d’un certain nombre de photographies aériennes prises au cours de l’opération sur Domfront. La qualité de ces clichés est médiocre car il s’agit de tirages photographiques qui eux-mêmes ont été pris en photo par le personnel du 416th Photographic Services Group pour être classé dans le dossier de la mission n° 78 du 15 juin 1944 (« Mission Folder n° 375 »), dossier qui a ensuite été scanné par l’AFHRA en 2007 et publié en ligne sous le titre « Photographs and mission reports : Target fuel dump Domfront, France » (IRIS Public Record n° 00091882).
Si donc la qualité de ces clichés est médiocre comparativement aux autres photographies aériennes de la même série que nous venons de présenter, ils permettent cependant de visualiser les bombardements des six « flights » et de se faire une idée de la façon dont ils ont été analysés par les officiers du 416th Photographic Services Group. Nous les présentons ci-dessous dans l’ordre selon lequel les « flights » bombardèrent, chaque cliché étant accompagné de l’évaluation du bombardement proposée par le Captain Zesiger dans son rapport.
Le rapport que nous avons présenté précédemment du Captain Zesiger intitulé « First Phase Interpretation » est accompagné d’un certain nombre de photographies aériennes prises au cours de l’opération sur Domfront. La qualité de ces clichés est médiocre car il s’agit de tirages photographiques qui eux-mêmes ont été pris en photo par le personnel du 416th Photographic Services Group pour être classé dans le dossier de la mission n° 78 du 15 juin 1944 (« Mission Folder n° 375 »), dossier qui a ensuite été scanné par l’AFHRA en 2007 et publié en ligne sous le titre « Photographs and mission reports : Target fuel dump Domfront, France » (IRIS Public Record n° 00091882).
Si donc la qualité de ces clichés est médiocre comparativement aux autres photographies aériennes de la même série que nous venons de présenter, ils permettent cependant de visualiser les bombardements des six « flights » et de se faire une idée de la façon dont ils ont été analysés par les officiers du 416th Photographic Services Group. Nous les présentons ci-dessous dans l’ordre selon lequel les « flights » bombardèrent, chaque cliché étant accompagné de l’évaluation du bombardement proposée par le Captain Zesiger dans son rapport.
Box I, Flight I,
416th Bombardment Group (L),
mission n° 78, 15 juin 1944, Domfront.
(AFHRA/416th Bomb Group Archive).
Maj. Meng.
Lt. Powell.
« Excellent » :
« Bombs blanketed target area with center of pattern being 100 ft. from desired M.P.I. Hits were scored on fuel storage and highway, probably causing considerable damage to fuel storage and obstructing highway ».
« Excellent » :
« Les bombes ont recouvert la zone cible selon une configuration centrée à 30 mètres du point principal d’impact voulu. Des coups ont atteint le dépôt de carburant et la grande route, causant probablement des dommages considérables au dépôt de carburant et obstruant la grande route ».
Lt. Powell.
« Excellent » :
« Bombs blanketed target area with center of pattern being 100 ft. from desired M.P.I. Hits were scored on fuel storage and highway, probably causing considerable damage to fuel storage and obstructing highway ».
« Excellent » :
« Les bombes ont recouvert la zone cible selon une configuration centrée à 30 mètres du point principal d’impact voulu. Des coups ont atteint le dépôt de carburant et la grande route, causant probablement des dommages considérables au dépôt de carburant et obstruant la grande route ».
Box I, Flight III,
416th Bombardment Group (L),
mission n° 78, 15 juin 1944, Domfront.
(AFHRA/416th Bomb Group Archive).
Capt. Dunn.
Lt. Arrington.
« Excellent » :
« Bombed second. Bombs fell in excellent pattern with center of bursts 150 ft. northwest of desired M.P.I. Heavy concentration of bursts across choke point of railroad and on fuel storage adding to destruction of fuel storage and probably blocking road ».
« Excellent » :
« A bombardé en deuxième. Les bombes sont tombées dans une configuration excellente avec le centre des explosions situé à 45 mètres au nord-ouest du point principal d’impact voulu. Forte concentration d’explosions entre le goulot d’étranglement du chemin de fer et le dépôt de carburant, ajoutant à la destruction du dépôt de carburant et bloquant probablement la route ».
Lt. Arrington.
« Excellent » :
« Bombed second. Bombs fell in excellent pattern with center of bursts 150 ft. northwest of desired M.P.I. Heavy concentration of bursts across choke point of railroad and on fuel storage adding to destruction of fuel storage and probably blocking road ».
« Excellent » :
« A bombardé en deuxième. Les bombes sont tombées dans une configuration excellente avec le centre des explosions situé à 45 mètres au nord-ouest du point principal d’impact voulu. Forte concentration d’explosions entre le goulot d’étranglement du chemin de fer et le dépôt de carburant, ajoutant à la destruction du dépôt de carburant et bloquant probablement la route ».
Box II, Flight I (secteur ouest),
416th Bombardment Group (L),
mission n° 78, 15 juin 1944, Domfront.
(AFHRA/416th Bomb Group Archive).
Box II, Flight I (secteur est).
(AFHRA/416th Bomb Group Archive).
Capt. Hulse.
Lt. Conte.
« Fair » :
« Bombed third. Bombs fell in fields and on buildings 950 ft. northwest of desired M.P.I. ».
« Correct » :
« A bombardé en troisième. Les bombes sont tombées sur les habitations à 290 mètres au nord-ouest du point principal d’impact voulu ».
Lt. Conte.
« Fair » :
« Bombed third. Bombs fell in fields and on buildings 950 ft. northwest of desired M.P.I. ».
« Correct » :
« A bombardé en troisième. Les bombes sont tombées sur les habitations à 290 mètres au nord-ouest du point principal d’impact voulu ».
Box II, Flight III,
416th Bombardment Group (L),
mission n° 78, 15 juin 1944, Domfront.
(AFHRA/416th Bomb Group Archive).
Lt. Shaefer.
Lt. Burg.
« Fair » :
« Bombed fourth. Bombs fell short, center of bursts being 650 ft. from desired M.P.I. Several bursts are seen on railroad and buildings. Due to smoke from previous flights accurate assessment is impossible ».
« Correct » :
« A bombardé en quatrième. Les bombes ont manqué leur cible, le centre des explosions étant situé à 200 mètres du point principal d’impact voulu. Plusieurs explosions sont vues sur la voie de chemin de fer et les bâtiments. En raison de la fumée des “ flights ” précédents, une évaluation précise est impossible ».
Lt. Burg.
« Fair » :
« Bombed fourth. Bombs fell short, center of bursts being 650 ft. from desired M.P.I. Several bursts are seen on railroad and buildings. Due to smoke from previous flights accurate assessment is impossible ».
« Correct » :
« A bombardé en quatrième. Les bombes ont manqué leur cible, le centre des explosions étant situé à 200 mètres du point principal d’impact voulu. Plusieurs explosions sont vues sur la voie de chemin de fer et les bâtiments. En raison de la fumée des “ flights ” précédents, une évaluation précise est impossible ».
Box II, Flight II,
416th Bombardment Group (L),
mission n° 78, 15 juin 1944, Domfront.
(AFHRA/416th Bomb Group Archive).
Capt. Huff.
Lt. Kupits.
« Fair » :
« Bombed fifth. Bombs fell 890 ft. northwest of desired M.P.I. Bursts were in fields and on buildings with a few bursts on highway ».
« Correct » :
« A bombardé en cinquième. Les bombes sont tombées sur les habitations à 270 mètres au nord-ouest du point principal d’impact voulu. Les explosions ont eu lieu dans les champs et sur les bâtiments avec quelques explosions sur la grande route ».
Lt. Kupits.
« Fair » :
« Bombed fifth. Bombs fell 890 ft. northwest of desired M.P.I. Bursts were in fields and on buildings with a few bursts on highway ».
« Correct » :
« A bombardé en cinquième. Les bombes sont tombées sur les habitations à 270 mètres au nord-ouest du point principal d’impact voulu. Les explosions ont eu lieu dans les champs et sur les bâtiments avec quelques explosions sur la grande route ».
Box I, Flight II,
416th Bombardment Group (L),
mission n° 78, 15 juin 1944, Domfront.
(AFHRA/416th Bomb Group Archive).
Capt. Jackson.
Lt. Maltby.
« Good » :
« Bombed last. Bombs fell with center of bursts 450 ft. from desired M.P.I. Bombs fell on railroads and buildings. Due to smoke from previous flights accurate assessment is impossible ».
« Bon » :
« A bombardé en dernier. Les bombes sont tombées avec le centre des explosions situé à 140 mètres du point principal d’impact voulu. Les bombes sont tombées sur les voies de chemin de fer et les bâtiments. En raison de la fumée des “ flights ” précédents, une évaluation précise est impossible ».
Lt. Maltby.
« Good » :
« Bombed last. Bombs fell with center of bursts 450 ft. from desired M.P.I. Bombs fell on railroads and buildings. Due to smoke from previous flights accurate assessment is impossible ».
« Bon » :
« A bombardé en dernier. Les bombes sont tombées avec le centre des explosions situé à 140 mètres du point principal d’impact voulu. Les bombes sont tombées sur les voies de chemin de fer et les bâtiments. En raison de la fumée des “ flights ” précédents, une évaluation précise est impossible ».
Trois autres photographies aériennes figurant dans le rapport du Captain Zesiger permettent de visualiser la zone ciblée le 15 juin 1944 à Domfront avant et après le passage des Havoc du 416th BG et d’évaluer les résultats de leur bombardement.
« Main Point of Impact » avant le bombardement,
416th Bombardment Group (L),
mission n° 78, 15 juin 1944, Domfront.
(AFHRA/416th Bomb Group Archive).
« Main Point of Impact » après le bombardement (secteur ouest de la gare),
416th Bombardment Group (L),
mission n° 78, 15 juin 1944, Domfront.
(AFHRA/416th Bomb Group Archive).
« Main Point of Impact » après le bombardement (secteur est de la gare).
(AFHRA/416th Bomb Group Archive).
Après avoir largué leurs bombes, les appareils continuèrent leur route vers le nord quelques secondes puis, passé la haute ville de Domfront, mirent le cap sur Falaise, puis sur Cabourg, sans rencontrer d’avions ennemis.
Huit miles à l’est de Caen (soit environ 13 km), certains appareils subirent des tirs de batteries anti-aériennes allemandes. Dans l’interrogatoire auquel les officiers du renseignement soumettent les pilotes immédiatement après leur retour de mission, les 1st Lts. F. W. Henderson et H. D. Andrews témoignent ainsi du fait que, sur la route du retour (« Route out »), leurs avions – l’A-20G 43-9714 (5C-N) et l’A-20G 43-9363 (5C-L), appartenant tous deux au Flight II du Box I – ont été la cible de l’artillerie anti-aérienne allemande lourde, mais aussi légère, dans le secteur de Caen. Dans la fiche d’interrogation du 1st Lt. Andrews (présentée ci-dessous), l’Intelligence Officer du 668th Bombardment Squadron, le Captain Robert G. Bailey, note : « XHA also XLA Caen ». Et dans celle du 1st Lt. Henderson, il note : « XHA Caen area » – le signe X symbolisant l’artillerie anti-aérienne, tandis que les lettres H et L, abréviations de « heavy » et « light », permettent de distinguer l’artillerie anti-aérienne lourde et légère.
Huit miles à l’est de Caen (soit environ 13 km), certains appareils subirent des tirs de batteries anti-aériennes allemandes. Dans l’interrogatoire auquel les officiers du renseignement soumettent les pilotes immédiatement après leur retour de mission, les 1st Lts. F. W. Henderson et H. D. Andrews témoignent ainsi du fait que, sur la route du retour (« Route out »), leurs avions – l’A-20G 43-9714 (5C-N) et l’A-20G 43-9363 (5C-L), appartenant tous deux au Flight II du Box I – ont été la cible de l’artillerie anti-aérienne allemande lourde, mais aussi légère, dans le secteur de Caen. Dans la fiche d’interrogation du 1st Lt. Andrews (présentée ci-dessous), l’Intelligence Officer du 668th Bombardment Squadron, le Captain Robert G. Bailey, note : « XHA also XLA Caen ». Et dans celle du 1st Lt. Henderson, il note : « XHA Caen area » – le signe X symbolisant l’artillerie anti-aérienne, tandis que les lettres H et L, abréviations de « heavy » et « light », permettent de distinguer l’artillerie anti-aérienne lourde et légère.
pilote 1st Lt. Harold D. Andrews, Jr. (folio recto),
416th Bombardment Group (L),
mission n° 78, 15 juin 1944, Domfront.
(AFHRA/416th Bomb Group Archive).
pilote 1st Lt. Harold D. Andrews, Jr. (folio verso).
(AFHRA/416th Bomb Group Archive).
Ces tirs de la Flak provenaient du secteur de Colombelles. Ils furent inefficaces et la vingtaine d’explosions qu’ils provoquèrent (« XHL 20 bursts », note le Captain Robert G. Bailey sur la carte intitulée « Chart of Route Flown – Flak » que nous avons présenté précédemment et que nous allons à présent réexaminer) n’infligèrent que des dommages mineurs sur l’un des appareils (dommages classés « Cat.[egory] A. »).
Cet appareil nous est connu grâce à un schéma réalisé sur la carte du Captain Bailey. Le Flight II du Box I étant le seul à avoir encaissé des tirs de Flak lors de la mission n° 78 du 15 juin 1944 (« Five flights reported nil Flak », « Cinq “ flights ” n’ont signalé aucune Flak » ; « Damage : single flight », « Dommage : un seul “ flight ” »), ce schéma indique la position qu’occupait l’avion endommagé dans ce « flight » : la cinquième, soit celle de l’A-20G 43-9363 (5C-L) et de son équipage, le 1st Lt. H. D. Andrews, Jr. et les S/Sgts. G. M. Cook et E. R. Werley.
C’est donc l’appareil de notre cher First Lieutenant Andrews qui fut touché par la Flak lors de la mission n° 78 du 416th BG. Comme tous les pilotes du Flight II du Box I, il fut contraint d’effectuer un second « run » sur la cible à Domfront, ce qui relégua tous les appareils du « flight » en dernière position dans la formation pour la route du retour vers l’Angleterre. Ces quelques minutes de retard pris par rapport aux avions de tête ont peut-être laissé le temps aux artilleurs allemands de réagir au passage de la formation et d’ouvrir le feu sur les derniers appareils. Mais, fort heureusement, ces tirs n’eurent aucune conséquence sur la vie des pilotes et le déroulement de l’opération.
Parvenus tous sains et saufs au-dessus de la Manche, à 18h36 pour les premiers d’entre eux, les pilotes utilisèrent leurs deux réservoirs d’essence supplémentaires montés dans la soute à bombes pour parvenir à effectuer la distance à parcourir durant la mission (547 miles, soit 880 km) et rejoindre ainsi la base aérienne de Wethersfield (le réservoir principal n’offrant qu’une autonomie de 400 miles, soit 645 km).
Le rapport suivant établi par le Colonel Mace, Commanding Officer du 416th BG (L), et adressé au Colonel Backus, Commanding Officer du 97th CBW (L), fournit les données de consommation de carburant (exprimées en gallon) ainsi que les temps de vol de chaque avion lors de la mission n° 78 du 15 juin 1944.
Cet appareil nous est connu grâce à un schéma réalisé sur la carte du Captain Bailey. Le Flight II du Box I étant le seul à avoir encaissé des tirs de Flak lors de la mission n° 78 du 15 juin 1944 (« Five flights reported nil Flak », « Cinq “ flights ” n’ont signalé aucune Flak » ; « Damage : single flight », « Dommage : un seul “ flight ” »), ce schéma indique la position qu’occupait l’avion endommagé dans ce « flight » : la cinquième, soit celle de l’A-20G 43-9363 (5C-L) et de son équipage, le 1st Lt. H. D. Andrews, Jr. et les S/Sgts. G. M. Cook et E. R. Werley.
C’est donc l’appareil de notre cher First Lieutenant Andrews qui fut touché par la Flak lors de la mission n° 78 du 416th BG. Comme tous les pilotes du Flight II du Box I, il fut contraint d’effectuer un second « run » sur la cible à Domfront, ce qui relégua tous les appareils du « flight » en dernière position dans la formation pour la route du retour vers l’Angleterre. Ces quelques minutes de retard pris par rapport aux avions de tête ont peut-être laissé le temps aux artilleurs allemands de réagir au passage de la formation et d’ouvrir le feu sur les derniers appareils. Mais, fort heureusement, ces tirs n’eurent aucune conséquence sur la vie des pilotes et le déroulement de l’opération.
Parvenus tous sains et saufs au-dessus de la Manche, à 18h36 pour les premiers d’entre eux, les pilotes utilisèrent leurs deux réservoirs d’essence supplémentaires montés dans la soute à bombes pour parvenir à effectuer la distance à parcourir durant la mission (547 miles, soit 880 km) et rejoindre ainsi la base aérienne de Wethersfield (le réservoir principal n’offrant qu’une autonomie de 400 miles, soit 645 km).
Le rapport suivant établi par le Colonel Mace, Commanding Officer du 416th BG (L), et adressé au Colonel Backus, Commanding Officer du 97th CBW (L), fournit les données de consommation de carburant (exprimées en gallon) ainsi que les temps de vol de chaque avion lors de la mission n° 78 du 15 juin 1944.
416th Bombardment Group (L),
mission n° 78, 15 juin 1944, Domfront.
(AFHRA/416th Bomb Group Archive).
Comme l’indique le rapport du Staff Weather Officer du 416th BG présenté précédemment, les avions rencontrèrent une présence importante d’altocumulus et de stratocumulus entre 4 et 6000 pieds d’altitude dans le sud de l’Angleterre et bénéficièrent d’une visibilité de 3 à 4 miles seulement au-dessus de Londres. Le premier Havoc à atterrir fut celui du Major Meng, à 19h30 exactement. Celui de notre cher First Lieutenant Andrews, le seul à avoir été endommagé lors de la mission par des tirs de Flak, se posa en dernier, à 20h01 précisément. Mission accomplie. Tous les oiseaux étaient rentrés au nid.
Le rapport suivant établi par le Captain Bailey consigne le plan de vol du Major William J. Meng, leader de la formation mobilisée lors de la mission n° 78 du 15 juin 1944, et fournit, entre autres renseignements, les horaires précis auxquels son A-20J (43-9439, F6-J) (Box I, Flight I, position 1) franchit les différentes étapes suivies lors du vol effectué ce jour-là par les bombardiers légers du 416th BG.
Le rapport suivant établi par le Captain Bailey consigne le plan de vol du Major William J. Meng, leader de la formation mobilisée lors de la mission n° 78 du 15 juin 1944, et fournit, entre autres renseignements, les horaires précis auxquels son A-20J (43-9439, F6-J) (Box I, Flight I, position 1) franchit les différentes étapes suivies lors du vol effectué ce jour-là par les bombardiers légers du 416th BG.
pilote Major William J. Meng,
416th Bombardment Group (L),
mission n° 78, 15 juin 1944, Domfront.
(AFHRA/416th Bomb Group Archive).
Une fois au sol, les équipages furent directement conduits dans les locaux du « Group S-2 » pour débriefer la mission avec les officiers du renseignement et ceux du « Group Headquarter » du 416th BG. L’« Interrogation Form » présenté ci-dessus nous montre la fiche que les officiers du renseignement devaient systématiquement remplir après chaque mission des Havoc.
On relèvera que, dans la rubrique « Observations », la fiche du 1st Lt. Andrews, complétée par le Cpt. Bailey, mentionne à l’aide d’une coche le fait que son avion a subi des dommages à cause de la Flak : « Damage to a/c : Flak ✓ ». Elle rapporte aussi le fait que notre pilote a rencontré entre six et huit P-47 Thunderbolt ainsi que d’autres types d’avion près de la côte (sans préciser s’il s’agit de la côte française ou anglaise) ; qu’il a vu dans les bois (la localisation exacte, référencée sur la carte alors utilisée, étant spécifiée) des emplacements de canon, à 18h27 ; huit blindés ainsi que d’autres véhicules, à 18h30 ; et qu’il a aussi aperçu des remorques à Saint-Sever. Notons que cette rubrique « Observations » est souvent celle qui est la plus renseignée dans la fiche d’interrogation tant les informations données par les pilotes peuvent s’avérer utiles pour l’état-major.
On relèvera que, dans la rubrique « Observations », la fiche du 1st Lt. Andrews, complétée par le Cpt. Bailey, mentionne à l’aide d’une coche le fait que son avion a subi des dommages à cause de la Flak : « Damage to a/c : Flak ✓ ». Elle rapporte aussi le fait que notre pilote a rencontré entre six et huit P-47 Thunderbolt ainsi que d’autres types d’avion près de la côte (sans préciser s’il s’agit de la côte française ou anglaise) ; qu’il a vu dans les bois (la localisation exacte, référencée sur la carte alors utilisée, étant spécifiée) des emplacements de canon, à 18h27 ; huit blindés ainsi que d’autres véhicules, à 18h30 ; et qu’il a aussi aperçu des remorques à Saint-Sever. Notons que cette rubrique « Observations » est souvent celle qui est la plus renseignée dans la fiche d’interrogation tant les informations données par les pilotes peuvent s’avérer utiles pour l’état-major.
De leurs côtés, les mécaniciens et les armuriers s’affairèrent immédiatement sur les appareils afin de les préparer pour une nouvelle mission.
Un rapport établi par le Captain Jack B. Cooney, Communications Officer du 416th BG (abrév. « COBOMGR 416 »), et transmis au Communications Officer du 97th Combat Bombardment Wing (« COCBTBWIG 97th ») ainsi qu’au Signal Corps (« ATT[achement] : SIG[nal] C[orps] ») rend compte de l’état des équipements de radiocommunication embarqués à bord des avions et de leur fonctionnement durant la mission.
416th Bombardment Group (L),
mission n° 78, 15 juin 1944, Domfront.
(AFHRA/416th Bomb Group Archive).
Ce rapport nous apprend que sur les 38 appareils mobilisés, deux rencontrèrent des problèmes. L’interphone de l’A-20G du 1st Lt. William J. Green (Box I, Flight I, position 4) utilisé par le pilote pour communiquer avec son mitrailleur de tourelle étant hors de fonctionnement (« out »), le câblage a été vérifié et réparé. Sur l’A-20G du 1st Lt. Eldon B. Kreh (Box II, Flight III, position 2), l’interphone du mitrailleur arrière s’étant avéré faible (« weak »), il a également été vérifié. Hormis ces deux problèmes, la performance-radio des avions au cours de la mission fut jugée bonne par le Captain Cooney (« Good radio performance »).
Pas de victime civile à déplorer, aucune perte humaine et matérielle enregistrée par l’U.S. Air Force (seul l’avion du 1st Lt. Andrews subissant des dommages mineurs), des dysfonctionnements dans le largage des bombes certes mais des résultats obtenus excellents pour certains « flights », les derniers dépôts de carburant enfin détruits – nous pouvons affirmer que cette mission n° 78 des Havoc du 416th Bombardment Group (L) sur Domfront le jeudi 15 juin 1944 fut un grand succès et nous nous devons de rendre ici un hommage respectueux au courage admirable des 120 membres d’équipage qui réussirent à l’accomplir au péril de leur vie.
Pas de victime civile à déplorer, aucune perte humaine et matérielle enregistrée par l’U.S. Air Force (seul l’avion du 1st Lt. Andrews subissant des dommages mineurs), des dysfonctionnements dans le largage des bombes certes mais des résultats obtenus excellents pour certains « flights », les derniers dépôts de carburant enfin détruits – nous pouvons affirmer que cette mission n° 78 des Havoc du 416th Bombardment Group (L) sur Domfront le jeudi 15 juin 1944 fut un grand succès et nous nous devons de rendre ici un hommage respectueux au courage admirable des 120 membres d’équipage qui réussirent à l’accomplir au péril de leur vie.

Le dimanche de la Pentecôte 1944 marqua le début des opérations aériennes alliées sur la ville de Domfront. Le dimanche de la Pentecôte 2014 se plaça sous le signe du souvenir de ces événements. Par une curieuse analogie de date, c’est en effet le dimanche 8 juin 2014 que se déroula à Domfront notre rencontre avec le First Lieutenant Harold Dave Andrews, Jr., pilote au sein du 671st Bombardment Squadron, qui accomplit sa 35e mission aux commandes de son Douglas A-20G Havoc le 15 juin 1944 dans le ciel de la cité médiévale et qui, présent aux cérémonies du 70e anniversaire du 6 juin 1944, nous fit l’honneur et le plaisir d’accepter notre invitation.
Naît à Auburn dans l’État du Maine le 30 décembre 1922 et vivant actuellement à McDonough, dans les environs d’Atlanta, capitale de la Georgie, Harold Dave Andrews, Jr. obtint son brevet de pilote de l’U.S. Air Force le 25 mars 1943 à l’âge de 21 ans avec le grade de Second Lieutenant et fut promu First Lieutenant le 22 mai 1944. Du 7 mars 1944, date de sa première mission de combat au-dessus de l’aérodrome de Conches-en-Ouches (mission avortée du fait d’un rendez-vous manqué avec la chasse alliée devant assurer la protection des bombardiers légers) au 2 décembre 1944, date de sa dernière mission à Saarlautern en Allemagne (où il fut mobilisé pour aider l’avance des troupes au sol du Lieutenant General Patton et vit son avion sévèrement endommagé par la défense anti-aérienne allemande), notre pilote compléta les 65 missions qui l’autorisaient à rentrer aux U.S.A.
Ce « Combat Tour » effectué uniquement sur le théâtre d’opérations européen – qu’il quitta définitivement le 16 décembre 1944, dans la nuit précédant le déclenchement de la bataille des Ardennes – lui valut de nombreuses décorations. Son portrait, réalisé au château de Domfront le 8 juin 2014, nous donne l’occasion de voir la belle « veste de sortie » d’un officier de l’U.S. Air Force (pantalon, chemise moutarde et cravate beige complétant réglementairement l’« Officer Service Dress Uniform ») et d’examiner les distinctions honorifiques qui lui furent décernées pour récompenser ses mérites.
Naît à Auburn dans l’État du Maine le 30 décembre 1922 et vivant actuellement à McDonough, dans les environs d’Atlanta, capitale de la Georgie, Harold Dave Andrews, Jr. obtint son brevet de pilote de l’U.S. Air Force le 25 mars 1943 à l’âge de 21 ans avec le grade de Second Lieutenant et fut promu First Lieutenant le 22 mai 1944. Du 7 mars 1944, date de sa première mission de combat au-dessus de l’aérodrome de Conches-en-Ouches (mission avortée du fait d’un rendez-vous manqué avec la chasse alliée devant assurer la protection des bombardiers légers) au 2 décembre 1944, date de sa dernière mission à Saarlautern en Allemagne (où il fut mobilisé pour aider l’avance des troupes au sol du Lieutenant General Patton et vit son avion sévèrement endommagé par la défense anti-aérienne allemande), notre pilote compléta les 65 missions qui l’autorisaient à rentrer aux U.S.A.
Ce « Combat Tour » effectué uniquement sur le théâtre d’opérations européen – qu’il quitta définitivement le 16 décembre 1944, dans la nuit précédant le déclenchement de la bataille des Ardennes – lui valut de nombreuses décorations. Son portrait, réalisé au château de Domfront le 8 juin 2014, nous donne l’occasion de voir la belle « veste de sortie » d’un officier de l’U.S. Air Force (pantalon, chemise moutarde et cravate beige complétant réglementairement l’« Officer Service Dress Uniform ») et d’examiner les distinctions honorifiques qui lui furent décernées pour récompenser ses mérites.
Cette rencontre fut un moment unique d’échange et de partage. L’accueil réservé par les Domfrontais, surpris et même fascinés par la présence de notre pilote, fut spontané et chaleureux. Nous tenons à les en remercier.
70 ans après, dans le parc du château de Domfront, du haut de la Tour de Presle dominant tout le Quartier-Notre-Dame, notre First Lieutenant – qui participa le mardi 6 juin 1944 aux opérations aériennes du débarquement en bombardant à 21 heures 25 avec 33 autres avions du 416th BG la gare de Serqueux, située à 39 km au nord de Rouen – reconnut en un coup d’œil le secteur prit pour cible le 15 juin 1944. S’il fut ravi, selon ses mots, de revenir sur le lieu de ses exploits, ce fut pour nous le plus beau jour de notre vie d’historien militaire amateur.
70 ans après, dans le parc du château de Domfront, du haut de la Tour de Presle dominant tout le Quartier-Notre-Dame, notre First Lieutenant – qui participa le mardi 6 juin 1944 aux opérations aériennes du débarquement en bombardant à 21 heures 25 avec 33 autres avions du 416th BG la gare de Serqueux, située à 39 km au nord de Rouen – reconnut en un coup d’œil le secteur prit pour cible le 15 juin 1944. S’il fut ravi, selon ses mots, de revenir sur le lieu de ses exploits, ce fut pour nous le plus beau jour de notre vie d’historien militaire amateur.
Le 9 juillet 2019, dans sa 97e année, le 1st Lt. Harold D. Andrews, Jr.
a rejoint les pilotes du 671st Bomb. Sq. là-haut, dans le Grand Bleu. On le voit ici aux commandes d’un A-20G baptisé « Jackie » en l’honneur de Jacquelyn Marshall, sa petite amie et future femme. (Coll. L. Letendre).
Par décret du Président de la République française en date du 30 septembre 2019, Harold D. Andrews, Jr. a été élevé à la dignité de chevalier de la Légion d’honneur à titre posthume. (Photo D. Andrews).
Après la tourmente des 13, 14 et 15 juin, Domfront connut une période de répit liée à la forte dégradation des conditions météorologiques qui affecta tout l’ouest de la France à partir du 18 juin. Le 19, une tempête avec des vents de force 7 à 8 se leva sur la Manche (emportant le port artificiel « Mulberry A » d’Omaha Beach) et dura trois jours, clouant au sol toute l’aviation alliée. Le 22 juin, le temps commença à s’améliorer, rendant possible la reprise de l’activité aérienne.
C’est ainsi que le 23 juin au matin Domfront fut de nouveau prit pour cible par les P-47 Thunderbolt de la 9th Air Force. Vers 11 heures, ils s’attaquèrent au lieu-dit du Pont-de-Caen (situé au nord de la commune) où filait la ligne de chemin de fer Laval-Caen et où la route de Flers, traversant la voie ferrée, franchissait la rivière de La Varenne en empruntant un pont. Ce croisement d’une voie ferroviaire et routière sur l’axe de circulation entre Laval et Caen faisait du lieu une cible toute désignée pour une opération d’interdiction. Bien qu’elle ait eu raison du pont, cette attaque des chasseurs-bombardiers manqua toutefois singulièrement de précision. Des quantités de bombes explosèrent dans les champs alentours, tuant de nombreuses bêtes. Mais les engins de mort n’ôtèrent pas la vie qu’aux animaux. Elles provoquèrent également le décès de Joseph Guénerie, employé à la SNCF comme garde-barrière, qui, ayant refusé de quitter sa maison, mourut près de chez lui. Ce fut l’ultime victime civile de tout le cycle des bombardements sur Domfront.
C’est ainsi que le 23 juin au matin Domfront fut de nouveau prit pour cible par les P-47 Thunderbolt de la 9th Air Force. Vers 11 heures, ils s’attaquèrent au lieu-dit du Pont-de-Caen (situé au nord de la commune) où filait la ligne de chemin de fer Laval-Caen et où la route de Flers, traversant la voie ferrée, franchissait la rivière de La Varenne en empruntant un pont. Ce croisement d’une voie ferroviaire et routière sur l’axe de circulation entre Laval et Caen faisait du lieu une cible toute désignée pour une opération d’interdiction. Bien qu’elle ait eu raison du pont, cette attaque des chasseurs-bombardiers manqua toutefois singulièrement de précision. Des quantités de bombes explosèrent dans les champs alentours, tuant de nombreuses bêtes. Mais les engins de mort n’ôtèrent pas la vie qu’aux animaux. Elles provoquèrent également le décès de Joseph Guénerie, employé à la SNCF comme garde-barrière, qui, ayant refusé de quitter sa maison, mourut près de chez lui. Ce fut l’ultime victime civile de tout le cycle des bombardements sur Domfront.
Comment s’expliquer le fait que Joseph Guénerie n’ait pas voulu évacuer ? Lui fut-il impossible de trouver une destination d’accueil dans la campagne environnante ? Très certainement pas car, avec un zèle dont il faut les louer, les cultivateurs firent preuve de solidarité et s’empressèrent de porter secours à ceux qui fuyaient le fracas des bombes. Et comme nous l’avons vu précédemment, le manoir de la Guyardière, situé à à peine plus d’un kilomètre du Pont-de-Caen, avait également ouvert grand ses portes dès le début des bombardements pour accueillir la population en fuite. Était-ce alors simplement de l’inconscience de sa part ? Encore moins. Nul mieux qu’un cheminot ne pouvait être informé des dangers que représentait le fait de vivre à proximité du réseau ferré, objet depuis des mois déjà des bombardements aériens alliés.
Une seule explication semble en définitive s’imposer. L’héritage de 1940 et de ses traumatismes. Bien des gens refusèrent en effet l’évacuation, même après les premières attaques, se souvenant des pillages consécutifs à l’exode de juin 1940. Ils préférèrent rester plutôt que fuir en abandonnant tout derrière eux. C’est sans doute cette crainte du pillage, que partageaient également Sœur Jeanne et Germaine Renard à l’époque, qui poussa Joseph Guénerie à refuser l’évacuation, même amplement justifiée par les événements. Ce qui lui coûta certainement la vie, malheureusement.
Une seule explication semble en définitive s’imposer. L’héritage de 1940 et de ses traumatismes. Bien des gens refusèrent en effet l’évacuation, même après les premières attaques, se souvenant des pillages consécutifs à l’exode de juin 1940. Ils préférèrent rester plutôt que fuir en abandonnant tout derrière eux. C’est sans doute cette crainte du pillage, que partageaient également Sœur Jeanne et Germaine Renard à l’époque, qui poussa Joseph Guénerie à refuser l’évacuation, même amplement justifiée par les événements. Ce qui lui coûta certainement la vie, malheureusement.
Le lendemain, le dernier raid d’envergure du mois de juin fut lancé sur Domfront. Il visa la gare elle-même et ses installations. De quoi s’assurer pour la 9th Air Force – et les P-47 Thunderbolt qu’elle mobilisa de nouveau pour cette opération – qu’après plus d’une semaine d’inactivité dans le ciel de la ville, ce qui représentait plus de temps qu’il n’en fallait pour réparer les voies et rétablir un trafic normal, le fonctionnement du réseau ferroviaire restait bien entravé. Car, comme le rapporte Sœur Jeanne dans son Journal à la date du 25 juin (ces propos permettant également de comprendre l’hostilité manifestée par Joseph Guénerie à l’idée d’évacuer son domicile), « tous les chemins, tous les herbages, sont remplis de gens de l’Organisation Todt. Il y en a dans les granges. Il y en a dans les cours de ferme. Ils furètent partout et chaque fois qu’ils le peuvent, ils se servent sans vergogne. La famille Roussel est aux cent coups, obligée de faire bonne garde pour sauver ses biens du pillage ». C’est donc dans les rangs de l’Organisation Todt employant la main d’œuvre nécessaire aux travaux de réparation des voies ferrées qu’on trouvait, aux côtés des Allemands, ceux dont les Domfrontais eurent à supporter les méfaits, alors qu’ils avaient déjà à endurer une épreuve qu’on a bien du mal à se figurer aujourd’hui, nous qui nous réjouissons de la paix.
Si l’on ajoute aux dix bombardements des mois de mai et juin que cette étude s’est attachée à décrire, certains avec force détails, d’autres de manière moins complète (le lecteur comprendra que des choix furent nécessaires), celui qui se déroula le 1er août 1944 lorsque vers 9 heures 30 des Lockheed P-38 Lightning de la 9th Air Force, s’acharnant pendant dix minutes sur leur cible, mitraillèrent et bombardèrent de nouveau la gare de Domfront, suivis à 17 heures de De Haviland DH-98 Mosquito de la RAF qui larguèrent quelques bombes seulement sur le même objectif, c’est en tout onze bombardements sérieux que la ville de Domfront subit au cours de la bataille de Normandie. Ceux du mois de juin furent les plus marquants, dévastant la cité jusqu’en son cœur. Des maisons ruinées. Des quartiers d’habitation totalement anéantis. Des monceaux de gravats et de débris obstruant des rues défigurées, totalement méconnaissables. Et l’horreur qui s’installe quand des civils sont atteints dans leur chair. 37 en tout, fauchés en un instant par la cruauté de la guerre. Quelle amertume, quelle colère durent ressentir ceux qui virent ainsi le fruit d’une vie de labeur envolé en un rien de temps et perdirent des êtres chers pour l’éternité. Et pourtant, les habitants de Domfront témoignèrent de la gratitude à ceux qui peu de temps auparavant les bombardaient, la libération permettant d’accepter ce sacrifice et venant apporter un peu de baume aux blessures. Cette acceptation des attaques aériennes par ceux qui y survécurent mérite tout notre respect. Il n’est pas sûr que nous réagirions ainsi sous les bombes de pays amis.
Je tiens à exprimer ma plus profonde gratitude à Harold Dave Andrews, Jr. qui, comme beaucoup d’autres, est entré dans ce drame que fut la Seconde Guerre mondiale et a accepté volontiers de me faire partager son expérience de pilote à travers nos différents échanges et notre rencontre du dimanche 8 juin 2014. J’aimerais également remercier David et Stephanie, son fils et sa petite-fille, sans lesquels cette rencontre n’aurait pu avoir lieu, ainsi qu’Erwan Lévénez qui a bien voulu me servir d’interprète, palliant ainsi les imperfections de mon expression en langue anglaise. Je voudrais aussi remercier les archives et archivistes qui m’ont fourni la matière brute de mes recherches. Stéphane Robine, des Archives départementales de la Manche, qui m’a permis de découvrir l’erreur de navigation du 14 juin 1944, et Wayne G. Sayles, du 416th Bomb Group Archive, dont le travail de conservation et de communication s’est avéré aussi précieux que sa coopération a été chaleureuse et généreuse. J’ai une dette spéciale envers Daniel Yvetot qui m’a confié sa retranscription du Journal de Sœur Jeanne et m’a ouvert sa collection unique de documents iconographiques, ainsi qu’envers Annette Bielec qui m’a fait don d’une série de clichés inestimables. Toute ma reconnaissance va à Jean-Philippe Cormier qui m’a encouragé tout au long de ces recherches, me faisant part de critiques constructives et m’ouvrant de nouvelles perspectives. À Florie Tarot qui s’est chargée avec patience d’améliorer la qualité des images et des documents présentés. À Christian Jenvrin qui m’a constamment assuré de son soutien. À Christèle Savary, Serge Ridard, Michel Marguerite ainsi qu’à tous mes collègues et ami-e-s qui ont concouru à leur manière à la réalisation de cette étude.
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